L'histoire secrète des dalaï-lamas
les premiers réfugiés peuvent le voir jouer de temps en temps au badminton et au ping-pong avec un de ses frères. À peine installé, il a reçu en cadeau un faon qu’il faut nourrir au biberon, tâche qui incombe à Amala et à Jetsun Pema, présente lors des vacances scolaires, la soeur cadette du souverain tibétain étant pensionnaire au couvent catholique de Loreto à Kalimpong.
La même année, mauvaise surprise : Dharamsala est infiltré par les communistes chinois. McLeod, la partie haute du village, pullule d’agents spéciaux du tewu qui se mêlent aux milliers de réfugiés espérant une audience du dalaï-lama et un départ vers les chantiers et camps de Jammu, Kalu, Manali ou du Népal et du Sikkim. Nombreux sont les exilés à préférer la résistance à la construction de routes dans la chaîne himalayenne ordonnée par les autorités indiennes.
L’ennui, c’est que des troubles se produisent régulièrement entre la Chine communiste et l’Inde. Surtout depuis la fuite du dalaï-lama et du karmapa. Sur les conseils du diplomate américain Averill Harriman, de James Critchfield et Desmond Fitzgerald (patron du Tibetan Task Force ), spécialistes de la région asiatique pour la CIA, Nehru envisage de sécuriser les frontières hier indo-tibétaines et désormais sino-indiennes, et d’avoir un oeil sur tout ce qui se passe sur le Toit du monde. Coût de l’opération : 120 millions de dollars, financés à la fois par les États-Unis et la Grande-Bretagne [456] . Premier objectif : l’intensification du recrutement dans les communautés tibétaines ; ces engagés seront formés à Camp Haie, dans le Colorado. Second objectif : la création, le 14 novembre 1963, d’une unité, Establishment 22 [457] , que l’on connaîtra davantage sous le sigle SFF , Spécial Frontier Force , basée à Chakatra, dans les Himalayas à forte densité de population de réfugiés tibétains. Chaque arrivage de volontaires est transporté par camion de Dehradun à Chakatra. En quelques jours, on recrute plus de six mille hommes et femmes. Et on s’organise en conséquence : la SFF compte un QG, et plusieurs compagnies de cent vingt hommes et femmes ; chacune sous les ordres d’un officier tibétain.
Gyalo Thondup, qui partage son temps entre New Delhi, Kalimpong et le Népal, multiplie les signes de soutien à la résistance tibétaine. Voici maintenant que le frère du dalaï-lama rêve d’un parti unique autour du quatorzième dalaï-lama, un parti soutenu par une majorité de jeunes, qui réunirait symboliquement les trois principales provinces tibétaines de l’Amdo, du Kham et de l’U-Tsang. Mais les anciens se méfient de lui.
Force est de le constater, la résistance, composée d’une multitude de groupes, est engluée dans de sanglantes rivalités ethniques. L’ANVD, le Chushi Gangdrug, tous sont divisés. Or, depuis quelque temps, de jeunes officiers se plaignent du général Bava Yeshé, un Khampa qui a combattu en 1958 avec Gompo Tashi.
Gyalo Thondup se rend alors dans le Mustang, dans l’intention d’éviter l’implosion de la résistance tibétaine. Après avoir longuement écouté les griefs de chacun, il décide de démettre de ses fonctions Bava Yeshé et de le remplacer par le général Gyatso Wangdu, un militaire d’expérience, seul survivant du premier groupe de résistants entraînés aux États-Unis.
Furieux, Bava Yeshé rompt avec l’ANVD, quitte le Mustang pour Dharamsala, recrute trois cents volontaires et rejoint l’alliance des « treize camps », dont les chefs sont opposés à l’UBET de Gyalo Thondup. Mais avant, le général démis accuse le frère du dalaï-lama d’avoir dilapidé le fameux trésor d’État caché dans le camp de Missamari, et d’avoir récupéré un « parachute jaune » contenant des devises américaines, indiennes et tibétaines larguées en 1959 au-dessus du Tibet [458] . A ces rumeurs s’en ajoutent d’autres, dont l’idée que Gyalo Thondup envisage de supprimer les différentes écoles du bouddhisme tibétain, les privant de leurs privilèges et de leur autonomie.
C’en est trop : les opposants du dalaï-lama réclament sa démission et son remplacement par le seizième karmapa Rangjung Rigpé Dordjé.
Les relations entre les Bonnets rouges et les Bonnets jaunes s’enveniment. Celles du karmapa et du dalaï-lama aussi. Pour éviter les frictions, les Yapshis expédient Gyalo Thondup et sa famille à Hong Kong, où il
Weitere Kostenlose Bücher