L'histoire secrète des dalaï-lamas
les résistants sont surpris par une violente tempête qui les cloue sur place. Gompo Tashi et ses hommes le savent : s’arrêter signifie une mort certaine ; continuer relève de l’impossible à cause du vent violent et des nombreux ravins.
Les bourrasques ploient les corps. Gompo Tashi entraîne ses hommes dans un escarpement. Blottis les uns contre les autres, ils attendent, tandis que le vent projette autour d’eux d’épaisses plaques de glace. Les heures paraissent interminables. Gompo, furieux, pense à leur mission vouée à l’échec. Le lendemain, refusant la situation, il décide de provoquer la chance et de poursuivre la progression. Autour de midi, alors que le tonnerre roule sur la montagne, Gompo Tashi découvre une grotte. Il y conduit ses hommes et leur fait signe d’allumer un feu, de ramasser de la neige à chauffer dans leur bol. Enroulés dans une épaisse peau de yack, tous s’alimentent alors d’eau chaude et d’une poignée de tsampa.
Pendant ce temps, Gompo Tashi tente d’entrer en contact radio avec ses gens de Lhoka. Impossible à cause des conditions atmosphériques ! Il maudit les Japonais qui ont construit l’appareil. Quand il se calme, il fait part au groupe de ses intentions.
Les résistants arrivent sur l’objectif quatre jours après la date initialement prévue. La gorge encaissée, sur laquelle une piste défoncée semble venir buter, fera un excellent terrain d’embuscade. Il poste ses hommes. Ils ont ainsi plusieurs heures à passer, tapis dans les rochers. Une nouvelle attente commence, interminable.
Plus de quatre heures se sont écoulées quand la première auto-mitrailleuse se présente à hauteur des résistants. Elle les dépasse, disparaît dans le virage, et s’enfonce dans la gorge.
La sinuosité du terrain empêche désormais ses occupants de voir si le reste du convoi la suit.
Un camion surgit.
Sur un signe de Gompo Tashi, des grenades et de courtes rafales de pistolets-mitrailleurs éclatent.
Les soldats chinois, surpris par l’assaut, jouent de malchance. Le moteur du camion hoquette. Pris de panique, le chauffeur cale.
Gompo lance l’assaut. Ses hommes foncent sans hésiter.
Les corps tombent, les uns après les autres, les résistants achevant le travail au poignard. Tandis que huit Tibétains dépouillent les cadavres, six autres s’emparent de deux caisses d’explosifs et de mines, et d’un sac de courrier. On se compte. Aucune victime parmi eux.
Avant de piéger le camion, Gompo Tashi l’ouvre et découvre des documents frappés du sceau du pouvoir central, de la signature de Mao Zedong et d’autres dirigeants de la République populaire de Chine.
Gompo Tashi et ses vingt hommes reprennent la route plein sud. Ils marchent depuis un peu plus d’une heure quand leur parvient le bruit assourdissant d’une explosion. C’est le camion.
Plus tard dans la journée, protégés par l’obscurité naissante, étonnamment chargés, ils gravissent le versant sud d’une montagne à l’entrée d’une autre vallée, en direction de Lhoka, leur camp de base, qu’ils atteindront avant le lever du jour.
Quelques semaines plus tard, le sac de courrier arrivera à Langley, siège de la CIA aux États-Unis. Des spécialistes du mandarin se mettent aussitôt au travail. Et découvrent l’importance des documents, datés de 1962 : ce sont les preuves de l’échec du Grand bond en avant.
Forces spéciales et résistance
Un certain Nauzer Nowrojee a suggéré au pandit Nehru que Dharamsala, village fantôme qui avait été détruit en 1904 par un tremblement de terre, conviendrait parfaitement au souveraintibétain : il y a de l’espace ; l’altitude aidera les exilés du Toit du monde à s’adapter – nous sommes à environ 2000 mètres d’altitude, sur les premiers contreforts himalayens – et tout y est à reconstruire...
Le dalaï-lama arrive donc à Dharamsala en 1962. Où Tenzin Gyatso poursuit inlassablement ses démarches auprès du gouvernement indien et des organisations humanitaires. Il occupe un simple bungalow, avec une chambre réservée pour la Grande-Mère ; une autre pour lui ; une petite pièce pour les prières et les rituels ; une cuisine et une salle à manger.
Le souverain reçoit ses visiteurs dans la salle de séjour ou sur la véranda. Les bureaux et les différents départements du gouvernement en exil sont dispersés alentour.
Même si Tenzin Gyatso est gardé par des militaires indiens,
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