L'histoire secrète des dalaï-lamas
parois abruptes, des sommets crevant le ciel, des neiges éternelles. C’est la barrière himalayenne, à franchir coûte que coûte. En route, pour le premier col, à plus de 4 000 mètres d’altitude. Au bout d’une heure, la piste disparaît sous une croûte de neige durcie.
Les fuyards progressent lentement. La nuit tombée, le ciel parsemé d’étoiles, une demi-lune, peu de neige : la chance leur sourit. Le karmapa et ses trois compagnons d’exil contournent d’immenses blocs de glace agglutinés au rocher, des ravins. Cela fait près de cinq heures qu’ils avancent, toujours précédés du guide. Parfois, ils sont obligés de descendre de cheval, de marcher, d’ouvrir la voie à leur monture et, dans les pentes, de s’accrocher à sa queue. Poussés, tirés, presque portés vers les sommets, la respiration haletante, ils progressent, le corps soudé à celui de leur l’animal. Quand ils franchissent le premier col, la température atteint -15° C.
Franchi Nyichung, le pilier qui marque la frontière du Mustang et du Népal, le karmapa et ses compagnons arrivent à Lo Manthang.
La nuit du 30 au 31 décembre 1999 est celle d’un repos bien mérité. Repartis tôt, les fuyards prennent la direction du sud, vers Kali Gandaki River Valley.
Emprunter, en cette période, la voie normalement utilisée par les marchands et les trekkers leur aurait certainement permis de rejoindre Jomosom, capitale du district, sans trop de difficultés. Et à l’aéroport ils auraient très bien pu prendre un vol commercial. Seulement, ils auraient couru le risque d’attirer l’attention de la police ou des autorités népalaises. Ils décident donc de se séparer en deux groupes.
Le groupe du karmapa – ils sont quatre – évite donc Jomosom, et franchit à l’est Thorung La, le col de la mort. Il est heureusement tombé peu de neige. Un vent terrible soufflant à soixante kilomètres à l’heure, ils sont très vite obligés de descendre de leurs montures.
Le 2 janvier 2000, Urgyen Trinley Dordjé et ses compagnons atteignent Manag Pedi, un village situé à 3 535 mètres d’altitude. Le lendemain, un hélicoptère de sauvetage Écureuil, appartenant à la société américano-népalaise Fishtail Air , à Katmandou, embarque le karmapa. À bord, deux Américains et deux lamas [478] . Un nouvelle exfiltration réussie au Tibet ! Le 5 janvier 2000, terme de l’aventure... Le département des Affaires religieuses du gouvernement du Tibet en exil, prévenu de l’arrivée imminente d’un maître du bouddhisme tibétain, niera savoir qu’il s’agissait du dix-septième karmapa Urgyen Trinley Dordjé... Mais le lendemain, 6 janvier, dans la liesse générale, le quatorzième dalaï-lama et le dix-septième karmapa se retrouvent devant un public déchaîné.
Sus au dalaï-lama !
La vie n’est décidément pas un long fleuve tranquille pour le dalaï-lama en exil et pour le peuple tibétain qui subit les soubresauts de l’Histoire dans l’indifférence des nations.
Dharamsala s’apprête à célébrer lossar, en ce 5 février 1997.
À l’intérieur de l’Institute of Buddhist Dialectics, Lobsang Gyatso, son directeur, proche conseiller du souverain tibétain, rejoint sa chambre après une entrevue infructueuse avec des lamas du monastère de Namgyal. Cette entrevue s’est déroulée dans son bureau, et ils se sont séparés après avoir discuté du climat abominable régnant alors dans la région. Ces affaires de panchen-lamas et de karmapas sont bien ennuyeuses.
Ce soir-là, avant de se coucher, il va jusqu’au bas de l’escalier de sa demeure et se voit ravi de trouver les moines papoter tranquillement dans leurs cellules, ouvertes jour et nuit, mais séparées par un rideau bordeaux. Jetant un coup d’oeil à sa montre, il constate qu’il est déjà vingt-trois heures. Il décide de dîner d’une poignée de tsampa mouillé de thé, dans sa chambre, avant de se coucher. Lobsang n’a aucune raison d’être sur ses gardes.
À 1 ou 2 heures du matin, Lobsang Gyatso est réveillé en sursaut. Des hommes se jettent sur lui, armés de couteaux. Au petit matin, les moines de l’institut découvrent le corps. Le directeur a été lacéré une trentaine de fois.
Le gouvernement est averti, la police aussi, le souverain aux abois... Chose curieuse, personne n’a rien entendu, alors que plusieurs centaines de moines vivent autour de l’institut.
À Dharamsala, la stupeur passée,
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