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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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nocturnes de la capitale
du royaume étaient réglementées. Nicolas dut se
faire reconnaître pour obtenir l'ouverture des portes. La route
fut ensuite plus rapide dans un Paris vidé par la nuit. Il
déposa Bourdeau chez lui, près du Châtelet, et
repartit vers Saint-Eustache et la rue Montmartre pour rejoindre
l'hôtel de Noblecourt. C'était toujours pour lui un
réconfort de voir apparaître la demeure où il
avait été si généreusement accueilli un
matin de désolation. Hôtel, d'ailleurs, était un
grand mot pour la solide maison bourgeoise dont le rez-de-chaussée
sur la rue était occupé par une boulangerie.

    Nicolas aimait
être accueilli par l'odeur chaude de la première fournée
de la nuit. Elle chassait en lui l'angoisse de la journée et
la fatigue d'un esprit toujours animé de supputations et de
calculs. Elle l'environnait comme une présence familière
et consolante. Elle taisait la transition entre l'extérieur
menaçant et le retour dans un lieu amical et préservé.

    Négligeant
l'escalier dérobé qui, depuis la cour intérieure,
conduisait directement jusqu'à sa chambre, il ouvrit la porte
sons la voûte de l'entrée cochère. Une boule de
poils frétillante lui sauta dans les bras ; Cyrus, le chien de
M. de Noblecourt, lui réservait toujours cet accueil
chaleureux. Il gémissait de bonheur de retrouver un ami adopté
dès leur première rencontre. Après ces
débordements de tendresse, il reprit sa dignité de
bichon de procureur et, la tête relevée comme une
cavale, il le précéda dans le logis, seule
l'irrépressible agitation de sa queue témoignant encore
de son plaisir.

    Il se dirigeait
vers l'office, vérifiant régulièrement que
Nicolas le suivait. Celui-ci en déduisit que M. de Noblecourt
dormait déjà. De plus en plus souvent torturé
par des accès de goutte, le vieux magistrat aimait à
s'entretenir avec son protégé, même lorsque
celui-ci rentrait tard. Il était friand du récit des
journées du policier, et tout aussi curieux des nouvelles et
des ragots de la ville et de la Cour. Comme il recevait beaucoup,
cela en faisant l'un des hommes les mieux renseignés de Paris
; ses avis et ses conseils, Nicolas avait pu le vérifier à
maintes reprises, étaient loin d'être à négliger.
Lorsqu'il veillait encore dans son fauteuil à oreillettes,
Cyrus était le messager chargé d'intercepter Nicolas et
de le conduire vers son maître.

    Une maigre
chandelle éclairait chichement l'office. Sur une chaise basse,
près du potager, une masse affaissée se soulevait au
rythme paisible de sa respiration. Nicolas reconnut Catherine, la
cuisinière. A sa vue, le pédant de collège qui
sommeillait encore en lui se réveilla et lui fit souvenir d'un
vers de Boileau : « Son menton sur sein descend à
double étage ». Il se reprocha aussitôt cette
facétie commise au détriment d'une femme qui lui avait
manifesté une invariable fidélité.

    Après la
chute de la maison Lardin 20 ,
Catherine Gauss avait été tout d'abord recueillie par
le docteur Semacgus, à Vaugirard. Mais celui-ci disposait déjà
de sa cuisinière africaine, Awa, et même si les deux
femmes s'étaient liées d'amitié, il ne pouvait
garder Catherine. Nicolas avait trouvé la solution. Marion, la
gouvernante de M. de Noblecourt, se faisant vieille, elle avait été
ravie de voir Catherine prendre en main les fourneaux. Nicolas, que
ses fonctions de commissaire et les profits des vacations attachés
à sa fonction avaient placé dans une honnête
aisance, avait lui-même engagé sa vieille amie et
participait ainsi pour une part aux dépenses de l'hôtel
de Noblecourt. Le vieux procureur avait protesté, pour la
forme, mais il avait été sensible au geste de Nicolas.

    Cyrus tira le bas
de la jupe de Catherine qui se réveilla en maugréant.
Avisant Nicolas, elle voulut se lever ; il l'en empêcha.

    â€“ Je me suis
assoupie en t'attendant, mon betit, soupira-t-elle.

    â€“ Catherine,
combien de fois faudra-t-il te répéter de ne pas
m'attendre !

    â€“ Tu étais
à l'Opéra. Il ne pouvait rien arriver.

    Nicolas sourit en
pensant au début de sa nuit à Grenelle. Mais Catherine
s'agitait déjà, dressant le couvert

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