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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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reviendrait à
Versailles.

    Le retour sur
Paris fut morose. Nicolas souffrait de sa blessure, et sa tristesse
était grande à la pensée du père
Mouillard si malheureusement utilisé dans le naufrage de l'âge
pour faire pression sur son ancien élève. De cette
journée, il ne retiendrait finalement ni le souvenir d'un
entretien avec la fille du roi, ni celui de sa première chasse
à la Cour, mais bien l'image désolante du vieil homme.

    Quand il arriva,
fort tard, rue Montmartre, l'hôtel était en ébullition.
Marion, Catherine et Poitevin attendaient dans l'office des nouvelles
qui ne venaient pas.

    M. de Noblecourt
faisait les cent pas dans son appartement. A la vue de Nicolas, ce ne
fut qu'un cri. Le procureur, prévenu par son chien, descendit
aussi vite que le lui permettaient ses vieilles jambes. Cet accueil
et les questions angoissées qui se multipliaient remirent
d'aplomb un Nicolas aussitôt pardonné dès qu'on
eut appris ce qu'il pouvait leur confier de ses aventures à la
Cour. Il en réserva à M. de Noblecourt le détail
incroyable.

Chapitre IX
    Incertitudes

    Â«Â L'omission
de ce qui est nécessaire
semble le blanc-seing du
danger ».

    Shakespeare

    Mardi 30
octobre 1761

    Nicolas s'éveilla
de bon matin. Son corps douloureux protestait par mille raideurs
contre le traitement subi la veille. La bosse qui décorait sa
nuque se manifestait par des élancements à chaque
pulsation de son cœur. Il se souvint de matins semblables dans
sa jeunesse, les lendemains de parties de soule. Ce jeu brutal où
pleuvaient les horions se terminait le plus souvent par des bagarres
homériques et des banquets de réconciliation arrosés
de cidre aigre et d'alcool de pommes.

    La toilette fut
une longue souffrance. Il descendit à petits pas à
l'office où Catherine le vit surgir piteux et mal en point.
Elle constata les dégâts et décida de prendre les
choses en main. Elle avait été longtemps cantinière,
et avait vu assez de batailles, de marches, de rixes de soldats en
goguette, de membres froissés, de plaies et de bosses, et elle
en avait rapporté un certain nombre de recettes empirique et
une science des emplâtres qui s'ajoutaient aux connaissances de
sa jeunesse paysanne en Alsace.

    Elle fourragea
dans le fond d'un placard et en sortit un cruchon de terre cuite
soigneusement scellé. C'était, disait-elle, un remède
souverain qu'elle conservait pour les grandes occasions : une
décoction d'herbes dans de l'alcool de quetsches. Une
« sorcière » des environs de Turckheim,
qui se trouvait être sa tante, lui en avait légué
quelques cruchons. Elle garantissait ses effets prodigieux.

    Malgré ses
protestations, elle fit mettre Nicolas en culotte, le gourmandant de
se montrer si pudique devant une vieille femme qui en avait vu
d'autres, et des moins appétissants, quand elle était
sous les armes, et elle se mit à l'étriller
gaillardement à l'aide de son élixir jusqu'au moment où
la peau lui chauffa. La cuisson et l'excitation furent telles qu'il
eut l'impression d'avoir les muscles déliés par cette
onction sauvage. Pour achever ces soins, elle lui en versa un petit
verre : le feu du contrecoup lui entra dans la gorge mais, passé
le premier effet, il en ressentir aussitôt le bienfait. Une
marée de douceur l'envahit, relayant et activant l'action
extérieure de la lotion.

    Il eût
fallu, dit Catherine, courir s'enfouir sous la courtepointe et dormir
tout son soûl. Nicolas lui reprocha de ne pas lui avoir
administré ce traitement dès son retour, la nuit
précédente. Elle lui rétorqua que ce qui était
lié ne pouvait être délié qu'après
que la contracture s'était fait sentir et qu'hier, encore dans
le feu de son aventure, il n'aurait pu pleurer ses douleurs comme ce
matin. Là-dessus, Catherine s'octroya elle aussi un petit
verre en prévision de ses maux à venir, puis replaça
soigneusement le cruchon dans sa cachette. Le reste de la maison
dormait encore, épuisé par l'attente et par les
émotions de la nuit.

    Dès qu'il
fut dans la rue Montmartre, Nicolas perçut quelque chose
d'anormal. Il mit cette impression sur le compte de son état
et sur la nervosité conséquente à l'agression et
à l'enlèvement de la veille. Il décida de ne pas
renoncer à

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