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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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rien de plus à en obtenir. Quelques jours dans la
solitude d'un cachot réduiraient peut-être son
obstination et l'amèneraient à mesurer la gravité
des charges qui pesaient sur lui faute de consentir à
s'expliquer.

    A la Bastille,
Nicolas fit accomplir les formalités d'écrou du
prisonnier. Il prit à part le geôlier en chef pour lui
recommander le jeune homme. D'une part, le secret de son
incarcération devait être rigoureusement respecté,
et, d'autre part, aucune visite n'était autorisée sans
l'avis de Nicolas. Enfin, et il insista tout particulièrement
sur ce point, il convenait de ne pas laisser le prévenu sans
surveillance, qu'il n'en vienne pas à s'homicider par
négligence de ses gardiens. Nicolas avait en mémoire la
mort d'un vieux soldat qui s'était pendu au Châtelet,
faute qu'on lui ait ôté sa ceinture. Il laissa une
petite somme afin que des repas puissent être apportés
de l'extérieur au prisonnier.

    Il quitta avec
soulagement la vieille forteresse. Cette masse de pierres grises
l'oppressait. À l'intérieur, le labyrinthe des
escaliers et des galeries, humides et noires, le grincement des clefs
dans les serrures et le claquement des guichets aggravaient encore
son malaise. L'animation souriante de la rue Saint-Antoine avec sa
foule et ses voitures le rasséréna.

    Nicolas
réfléchissait aux suites de l'arrestation du vidame. On
venait bien si le comte de Ruissec interviendrait pour faire libérer
son dernier fils avec autant de vigueur qu'il lui avait fait pour
récupérer le corps de son aîné assassiné.
Nicolas ressentait comme un doute : trop de présomptions
pesaient sur le vidame. Les mobiles crevaient les yeux : rivalité
amoureuse, ambition contrariée et peut-être d'autres
encore, plus matériels. Que Lambert, le valet, ait été
le complice s'acceptait sans trop de difficultés. Là où
l'incertitude gagnait Nicolas, et où les questions
s'accumulaient, c'était dans la vision du frère tuant
le frère. Sans doute, la chose n'était-elle pas sans
précédent. Il y avait quelques mois une affaire avait
défrayé la chronique. Un chevalier du nom d'Aubarède
avait tué son frère aîné. Il l'avait
abattu d'un coup de pistolet dans la tête et l'avait achevé
à coups de poignard et de barre, avant de s'enfuir pour
s'engager dans les armées ennemies. M. de Choiseul avait fait
écrire à l'ambassadeur à Rome avec description
du meurtrier afin qu'on l'arrête.

    Nicolas eut une
soudaine inspiration. Puisqu'il fallait plonger dans le passé
de ses suspects, il ordonna à son cocher de le conduire à
l'hôtel de Noailles, rue Saint-Honoré, face au couvent
des Jacobins, demeure de M. de Noailles, le plus ancien des maréchaux
de France. C'était là que se trouvaient les bureaux du
tribunal du Point d'Honneur, que cette illustre assemblée
avait formé pour juger des cas litigieux. Sous la présidence
de leur doyen, les maréchaux, dont la compétence
s'étendait à tous les gentils hommes civils ou
militaires, avaient à connaître des injures, menaces,
voies de fait, dettes de jeux ou provocations en duel. Leur
connaissance du personnel militaire était des plus
approfondie. Le secrétaire de cette institution, M. de La
Vergne, appréciait Nicolas. Alors que celui-ci travaillait
encore sous les ordres du commissaire Lardin, il avait réussi,
grâce à l'active mobilisation de ses mouches et du
réseau de ses informateurs dans le monde des receleurs, à
retrouver une tabatière dérobée au maréchal
de Belle-Isle, secrétaire d'État à la Guerre,
mort en janvier de la même année. M. de la Vergne lui
avait fait des offres de service et lui avait promis de lui rendre la
pareille si l'occasion venait à se trouver.

    L'homme possédait
une science approfondie des carrières des officiers généraux
: nul mieux que lui ne pouvait renseigner Nicolas sur le comte de
Ruissec. Il parvint sans difficulté jusqu'à son bureau.
Par chance, M. de La Vergne était là et le reçut
sur-le-champ. C'était un petit homme fluet au visage lisse et
pâle, avec des yeux rieurs, mais que sa perruque blonde ne
parvenait pas à rajeunir. Il accueillit Nicolas avec chaleur.

    â€“ Monsieur
Le Floch. Quelle surprise ! Monsieur le commissaire,

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