L'Impératrice indomptée
impression bien plus charmante qu’aucune peinture ne pourrait le faire voir, et de loin [...]. Elle semble corsetée de façon terriblement serrée, ce qui n’est sûrement pas nécessaire vu sa magnifique silhouette [...]. Personne ne saurait se montrer plus aimable ni plus courtois qu’elle ne l’a été ; il est impossible de ne pas l’aimer. »
La Hongrie ne peut donc que tomber sous son charme. Au moment de son départ, Élisabeth ne se dissimule pas la difficulté de la mission ; elle sait que les magnats hongrois et la noblesse rurale, qui sont les maîtres du pays, demeurent, malgré leur courtoisie et leur respect des formes, inébranlablement fidèles à leur principe politique ; mais elle est résolue à gagner la confiance de leurs chefs et à créer une entente entre eux et l’empereur.
Lorsque, le 9 juillet, elle arrive à Budapest avec ses enfants, elle est reçue par Franz Deak, le comte Jules Andrassy et quelques-uns de leurs amis. « J’eusse considéré comme une lâcheté, disait plus tard Deak, de tourner le dos à l’impératrice dans le malheur, après m’être incliné devant elle au temps de son triomphe. » C’est une mentalité chevaleresque qu’apprécie Élisabeth. Franz Deak est l’homme dont dépend son entreprise. Il dispose à ses côtés d’Andrassy, l’un des rebelles de 1848, ancien chef de l’armée révolutionnaire et délégué du gouvernement de Kossuth, qui va occuper une place importante dans la vie de Sissi.
Celle-ci obtient de son mari qu’il lui accorde rapidement audience. Le plus difficile est fait. Elle a opéré un miracle en disposant l’empereur à cette rencontre. Que d’événements ce dernier ne doit-il pas oublier pour pouvoir tendre la main à Andrassy ! François-Joseph est surpris de la noblesse dont font preuve les Hongrois ; ils ne profitent nullement de la faiblesse de la monarchie, et leurs revendications demeurent exactement les mêmes qu’avant la guerre. Néanmoins, c’est maintenant que commence la lutte véritable.
Durant les négociations, Élisabeth se montre infatigable dans ses efforts pour éviter une rupture. À deux reprises, les relations sont coupées. Elle « arrange les choses ». Elle presse François-Joseph, pour une fois dans sa vie, de voir la situation clairement, l’adjure de mettre de côté ses préjugés invétérés. La brillante intelligence d’Andrassy et ses talents de persuasion, le prestige de Deak et son influence personnelle en Hongrie, la fine diplomatie d’Élisabeth et sa popularité des deux côtés de la frontière sont autant d’éléments en faveur d’une solution pacifique.
Les contacts entre Andrassy et Sissi sont si étroits qu’elle apprend de sa propre bouche la nomination de Beust comme nouveau ministre autrichien des Affaires étrangères. Le choix de l’ancien président du Conseil saxon donne lieu à de longues discussions entre l’impératrice et Andrassy. Tout au long de ces mois décisifs, Ida Ferenczy reste aux côtés d’Élisabeth. À l’automne de 1866, la souveraine ajoute à son entourage un autre Hongrois, le journaliste Max Falk qui, tout en vivant à Vienne où il travaille pour la Caisse d’épargne, écrit pour le journal Pesti Napló de Budapest. Il est un proche ami d’Andrassy. On ne saurait sous-estimer l’importance des conversations quotidiennes qui ont lieu entre l’impératrice et Max Falk. Un parallèle s’impose avec les rencontres bien postérieures du jeune Rodolphe avec le journaliste Moriz Szeps, dans les années 1880. Élisabeth, aussi bien que son fils, s’intéresse à la politique mais elle manque de renseignements. C’est par des moyens détournés que l’un et l’autre se procurent les informations qu’on leur refuse officiellement. Dans un cas comme dans l’autre, leurs informateurs politiques – Falk, puis Szeps – profitent de cette occasion pour exercer une puissante influence. François-Joseph finalement « agit pour le mieux ! ».
En janvier 1867, le ministre Beust signe un « compromis » avec Deak, chef de la délégation hongroise. L’empire d’Autriche est réformé pour devenir la monarchie austro-hongroise. À l’exception de l’armée et de la marine, des affaires étrangères, et de l’administration du budget nécessaire à ces départements, chaque État possède son gouvernement autonome. Le 18 février 1867, un ministère hongrois autonome se constitue ; Andrassy en devient le
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