L'Impératrice indomptée
lui-même, il demande conseil aux uns et aux autres. Sa résolution semble prise. Le départ est à peu près fixé quand son confesseur, un jésuite, réussit à faire différer son départ. Tous les conservateurs, uniquement soucieux de sauver leurs biens, se joignent au prêtre pour retenir l’empereur. Dès lors, les événements, avec une logique, une rapidité implacables, suivent leur cours ; les destins s’accomplissent. Maximilien, descendu dans un port de la côte avec l’intention ferme de s’embarquer, commet la faute, la folie de revenir à l’intérieur du pays. Deux ou trois villes seulement lui restent acquises. Il se réfugie dans l’une d’elles, à Queretaro, bientôt assiégée par les troupes de son terrible adversaire Juarez. La trahison d’un de ses généraux met la ville au pouvoir de l’ennemi. Maximilien s’imagine qu’il sera traité par Juarez comme un prisonnier de guerre. C’est mal connaître cet Indien cruel, assoiffé de vengeance et plein d’orgueil, ravi de pouvoir disposer de la vie du descendant d’une des plus illustres dynasties européennes. Les troupes de celui-ci, son adversaire, n’ont plus qu’à l’arrêter, le condamner à mort le 12 juillet 1867 et l’exécuter.
Le deuil de la cour de Vienne est double. En effet, Élisabeth apprend la mort de son beau-frère, le prince de Tour et Taxis. François-Joseph et Sissi assistent aux obsèques à Ratisbonne. À ce décès dont Hélène ne se remettra pas – elle mourra prématurément à cinquante-six ans, en 1890 –, et à la tragédie mexicaine s’ajoute pour Sissi la tragi-comédie des fiançailles de sa petite soeur Sophie avec le roi Louis II de Bavière. Elles ont lieu en janvier 1867.
La jeune princesse est populaire. Sans posséder la royale beauté de sa soeur, elle est douée d’un charme incomparable. De son côté, Louis II de Bavière, malgré la fronde des anti-wagnériens et les difficultés des derniers mois, garde l’affection de son peuple. Ce projet de mariage jette de la joie et de la clarté sur le pays. En Europe, dans les cours, on regarde avec sympathie cette idylle, car déjà la renommée de Louis II, idéaliste, rêveur, artiste, passe à l’état de légende. L’impératrice Eugénie, traversant Munich pour se rendre à Vienne, s’arrête à dessein pour connaître le prince charmant. On dit même qu’en dépit de l’étiquette elle embrasse sur les deux joues le jeune souverain.
Le mariage princier fait un mois durant l’amusement de l’Europe, sur qui planent alors tant d’inquiétudes. Ce couple semble d’heureux augure. On veut voir partout des gages de tranquillité et de paix. On en trouve un dans la fraîcheur de ces fiançailles. Tout est prêt pour les réjouissances et pour les fêtes. Déjà, la future reine a formé sa cour et, à la Résidence, ses appartements sont aménagés. On a arrêté les détails de la cérémonie, distribué les cadeaux, officiellement annoncé le mariage pour le 12 octobre et même répandu dans le royaume des médailles commémoratives. Soudain, au dernier moment, des rumeurs étranges se répandent. Le mariage du roi est différé, annoncent les uns, et les autres, ceux qui ont raison, disent : il est rompu. On ne tarde pas à apprendre de source certaine que le roi, après un terrible accès de colère pendant lequel il a brûlé tous les souvenirs de sa fiancée, et même jeté par les fenêtres de la Résidence son buste et ses portraits, s’est dégagé de sa promesse.
L’impératrice est à Vienne quand elle apprend la catastrophe. Les atermoiements du roi Louis II et son manque d’attentions pour sa fiancée ont fini par obliger le duc Max à reprendre son rôle de père et à informer le roi que, s’il n’arrêtait pas la date du mariage, Sophie le libérerait de ses engagements. La seule réponse de Louis est un bref message où il donne à la princesse son pseudonyme wagnérien : « Chère Elsa, vos parents désirent rompre nos fiançailles, j’accepte leur proposition. » Le même jour, il note dans son journal : « Sophie liquidée. L’ombre se dissipe. J’ai soif de liberté maintenant que je sors de ce torturant cauchemar. » Il n’y a aucun coeur brisé. Sophie, bien que piquée dans son amour-propre, semble avoir été aussi soulagée que son fiancé. Mais les Bavarois éprouvent quelque dégoût de la conduite de leur souverain, qui, pour se soustraire à la critique, se réfugie
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