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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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perspicace, plein d'humour et de malice. Souvenir de sa voix. Cette belle voix au timbre grave, rocailleuse et chaleureuse. Souvenir de cette silhouette si familière qui se dessine dans la lumière du soir, derrière sa table de travail.
    « D'emblée, l'intelligence et la culture de l'homme impressionnaient. D'emblée, son autorité et sa clairvoyance imposaient le respect.
    « Quand Georges Pompidou nous a quittés, il y a trente ans, nous tous ici réunis, proches, collaborateurs et amis, avons éprouvé une peine profonde.
    « Pour vous, Madame, la douleur fut immense […]. Pour nous, ses collaborateurs et ses amis qui lui portions admiration et affection, c'est un maître que nous perdions. Un maître en esprit. Un maître en sagesse. Un maître en courage. Un maître dans l'action. Un homme d'exception dont l'exigence intellectuelle et morale nous obligeait tous à donner le meilleur de nous-mêmes. Nous avions désormais le devoir de poursuivre l'œuvre inachevée… »
    L'orateur se livre davantage quand il souligne ce qui l'unissait à Georges Pompidou :
    « Homme généreux, attentif aux siens comme aux autres, soucieux de partager ses curiosités et ses émerveillements, il eut toujours à cœur de réconcilier l'Art et la Cité. Il pressentait sans doute, à la manière d'un Malraux, que notre société, trop individualiste, société froide des techniques triomphantes, aurait besoin de se réchauffer à cette communion des âmes que célèbrent l'art et la culture. Il avait compris que la recherche du bien-être matériel ne saurait à elle seule tenir lieu de projet politique. N'écrit-il pas dans Le Nœud gordien  : “Le confort de vie généralisé comporte en lui-même une sorte de désespérance, en tout cas d'insatisfaction. Là est, sans doute, la vraie partie que joue le monde moderne 5 ” ?
    « … Fils de cette belle terre d'Auvergne, Georges Pompidou connaissait bien la France. Avec ses forces et ses faiblesses […]. L'homme de lettres qui a rencontré les classiques, qui s'est enflammé aux passions poétiques, qui récite pour lui-même Villon, Baudelaire, Apollinaire, va faire de la transformation économique, industrielle, urbaine et sociale de la France son sujet, sa cause, sa grande aventure […].
    « S'il est un aspect de la personnalité de Georges Pompidou et de ses qualités d'homme d'État qui nous touche peut-être plus que les autres, c'est précisément le regard qu'il jetait sur le monde. Un regard ouvert sur la diversité des cultures, sur l'interpénétration croissante des sociétés contemporaines. Ce Français de pure tradition aura admirablement préparé notre pays aux défis de la mondialisation et de la construction européenne. À ceux qui lui reprochaient de trop s'engager sur le front diplomatique, il faisait remarquer, avec cet humour toujours empreint de clairvoyance, que les difficultés intérieures trouvaient de plus en plus leurs solutions à l'échelon international, que l'on ne pouvait plus penser aujourd'hui la paix sans la sécurité collective, le progrès économique et social sans l'Europe… »
    La première fois qu'il m'a parlé de Pompidou, le président a eu des phrases on ne peut plus convenues. Il a surtout tenu à souligner que le défunt président refusait toute familiarité, et il m'a égrené sa litanie de mots passe-partout : « estime, respect, affection »… Je lui ai alors demandé pourquoi il se livrait moins que dans le discours qu'il avait prononcé en 2004 devant Mme Pompidou.
    « Vous avez évoqué sa voix, sa silhouette, votre douleur… Est-ce parce que vous l'aimiez beaucoup que vous êtes incapable d'émettre devant moi des mots qui viennent du cœur ?
    – C'est peut-être plus compliqué que vous ne le pensez, me répond-il. Pompidou n'établissait pas de liens entre ses amis et ses collaborateurs qui, au demeurant, étaient bien traités. J'avais intégré ça dès le départ. Quels que soient les sentiments que je pouvais avoir, il ne fallait pas les exprimer. Cela étant, lorsqu'il a été malade, j'ai été profondément atteint… Et quand il est mort, j'ai été choqué, traumatisé, un peu comme s'il s'était agi de mon propre père. Mais je n'ai pas eu ni développé avec lui de relations intimes, car ce n'était pas son genre. J'écoutais, j'enregistrais, par exemple quand je l'accompagnais quelque part dans sa voiture. Mais, d'une certaine façon, je me sentais plus libre avec le général de

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