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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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à peine quelques connaissances. Parfois plus de famille. Maintenant que Marina était derrière les barreaux, le désert allait s’étendre à perte de vue autour d’elle.
    â€” Je ne peux pas me pointer chez elle pour vider ses placards, Shirley. Tu saurais deviner sa taille ?
    Elle hocha la tête.
    â€” La mienne, à peu près. En plus maigre et plus osseuse, non ?
    Son ton en disait plus long que je ne le devinais.
    â€” Elle doit pouvoir porter mes vieilles robes. Ça suffira ou tu es prêt à investir ?
    Je me suis senti bêtement rougir.
    â€” Peut-être qu’il vaudrait peut-être mieux que tu… Pour les bas… Pour les…
    Je ne suis pas spécialement pudique ou timide. Mais j’eus du mal à prononcer les mots. Je sortis précipitamment mon portefeuille, évitant le regard de Shirley. Elle s’empara des billets en gloussant. Je jetai un coup d’œil à ma montre.
    â€” Je passe chez toi dans deux heures, ça ira ?
    Elle opina en s’asseyant dans la Ford. Je remarquai seulement que son foulard était assorti au rouge framboise du convertible. Avant de tirer sur le démarreur, elle me saisit le poignet.
    â€” Al, dis-moi quelque chose. Sans mentir.
    â€” Promis, juré.
    â€” Tu en ferais autant pour moi ?
    â€” Shirley ! Tu ne te retrouveras jamais accusée d’espionnage devant ces fous furieux.
    â€” Il y a plein de moyens de se retrouver en prison, Al. L’homicide pour jalousie est très courant.
    â€” En ce cas, je ferais mieux que t’apporter une valise. Je te fournirais un bon avocat.
    Â 
    Â 
    C’était ce que je m’apprêtais à faire pour Marina.
    Je rejoignis ma propre voiture. Un coupé Nash vert sombre dont j’étais assez fier. Dans la matinée, avant l’audience, j’avais pris rendez-vous avec T. C. Lheen. Bien peu connaissaient ses véritables prénoms, Theophilius Clarendon.
    Longtemps, l’arme absolue de T. C. avait été d’être un petit homme rond, chauve et disgracieux. Des lunettes cerclées d’écaille distordaient son regard de myope. Quand il souriait, sa bouche, à peine dessinée, s’effaçait pour de bon. Il usait jusqu’à la corde les mêmes costumes passe-partout, et on ne lui connaissait qu’une douzaine de cravates. Une apparence des plus trompeuses. Sous son crâne rond et nu s’agitait une intelligence réjouissante.
    Il approchait de la soixantaine et était l’un des hommes les mieux informés de Washington. Comment s’y prenaitil ? Mystère. La liste de ceux qui se repentaient de l’avoir sous-estimé était désormais trop longue pour qu’il puisse surprendre encore. Depuis quelques années, il se tenait dans une demi-retraite. Il ne s’intéressait qu’aux cas assez désespérés pour avoir toutes les chances de mordre la poussière. Il était plein aux as et l’argent ne l’avait jamais attiré. L’orgueil était son unique moteur. Cet orgueil particulier des êtres à part qui se savent irrémédiablement exilés du reste du troupeau.
    Je l’avais connu avant la guerre. On ne peut pas prétendre que nous étions amis. T. C. Lheen n’a jamais été assez sentimental pour avoir des amis. Pour ainsi dire, on s’accordait un respect mutuel devant notre manière à chacun de négocier les tournants de l’existence. Plus d’une fois nous avions eu l’occasion de nous rendre de menus services. En deux ou trois occasions, T. C. avait fait plus que me rendre service. Et si Marina Andreïeva Gousseïev était aussi innocente qu’elle l’affirmait, personne ne pourrait mieux la tirer des griffes du diable que T. C. Lheen.
    Il habitait à l’extrémité du Georges Washington Memorial Parkway. Sa maison disparaissait sous les arbres centenaires. Ulysse, un serviteur noir en nœud papillon et costume blanc impeccable, me salua en habitué de la famille. Il me conduisit au bord de la piscine. Elle surplombait le Potomac et la longue rive boisée du nord. Ce lieu parfait et des serviteurs à l’élégance princière étaient les seuls luxes que je connaissais à T. C.
    Il lisait dans une bergère d’osier. En guise de salut, il m’indiqua un fauteuil en

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