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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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vapeur ont scintillé. Il semblait qu’une nuée d’or nous couronnait. Les femmes étaient si émues qu’elles se sont signées. À la nuit tombée, avant que le train reparte, les poêles ont rougi comme jamais. La nourriture est sortie des paniers. Ceux qui avaient de la vodka ont débouché les bouteilles. Dans tous les wagons, c’était la fête.
    Elle avait ramassé ses jambes contre sa poitrine. Enlaçant ses mollets et s’appuyant des talons contre le rebord de la chaise, elle se balançait doucement, comme une enfant ou comme je l’avais vu faire par des hommes pieux à la synagogue. Son visage avait changé. L’épuisement gris s’effaçait. L’âge s’éloignait. J’aurais pu l’imaginer, assise sur le bord d’un lit, racontant son voyage à des enfants luttant contre le sommeil.
    â€” C’est à Tcheliabinsk que tout a changé. Là, il y avait une douzaine de familles sur le quai. Des enfants, des hommes jeunes ou vieux, des grand-mères tenant les bébés dans des couvertures. Certains s’arrimaient à des bagages fatigués, d’autres à quelques baluchons. Des vêtements différents, des visages différents. Des airs anxieux. De la peur, de la fatigue. Les contrôleurs les ont poussés dans le premier wagon, derrière la locomotive. On entrait dans le ventre de la Sibérie. La glace recouvrait les vitres. Le jour les traversait avec difficulté. Une femme a demandé qui était ces familles. Un homme a répondu : « Des Juifs pour le Birobidjan. » Il a expliqué que des trains arrivaient à Tcheliabinsk depuis la Crimée. Il a dit : « De temps en temps, les Juifs en débarquent. Il paraît que ça chauffe pour eux là-bas, avec les Boches. » C’est comme ça que les choses se sont passées. Que je suis devenue juive avant même d’être arrivée à Birobidjan. Pour la première fois je me suis sentie un peu comme eux.
    Â«Â Ã€ Omsk, le convoi a été séparé. Une partie allait tout droit vers Novossibirsk, l’autre descendait vers la Chine et le lac Baïkal. Encore une fois un officier de l’Armée rouge etun politruk ont contrôlé nos passeports intérieurs et nos billets. Ils dirigeaient les voyageurs selon qu’ils s’arrêtaient à Irkoutsk ou continuaient. Ils ont été étonnés de voir mon billet. Le politruk m’a observée sous toutes les coutures – “Toi, tu vas dans le wagon des Juifs du Birobidjan, camarade.” Dans ce wagon, il n’y avait que des banquettes de bois et pas de compartiments. Les enfants dormaient sur les sacs ou dans les casiers à bagages. Les bords des fenêtres étaient calfeutrés avec des journaux pour que la suie de la locomotive ne rentre pas. Ils m’ont dévisagée. Des regards soucieux, incertains, fatigués. Qu’est-ce que je faisais là, moi qui étais seule ? Il a fallu du temps avant qu’un vieil homme qui ne parlait qu’à peine le russe ose me demander où j’allais. J’ai répondu : “Birobidjan.” Il a souri, tout surpris. Il m’a demandé : “ Yid  ?” Un mot yiddish que je n’avais jamais entendu. J’en ai deviné le sens et ai fait oui de la tête. Oui, j’étais yid moi aussi ! Ils m’ont fait de la place. Je n’avais pas beaucoup de bagages. »
    Elle eut un rire doux. Elle me regarda pour la première fois depuis qu’elle racontait. D’un coup le bleu de ses yeux se voila de larmes. Elle secoua la tête.
    â€” Ils étaient tous si heureux, si impatients d’arriver au Birobidjan ! Comment auraient-ils pu imaginer ce qui les attendait ?…
    Le bruit de la porte qu’on déverrouillait l’interrompit. La surveillante apparut.
    â€” Terminé !
    Marina se figea une fraction de seconde. En se levant, elle attrapa les anses du sac avant que la surveillante s’en empare.
    â€” Ils croient me punir avec ce farher stupide, dit-elle en me dévisageant. Mais je suis heureuse. Je revis chaque minute. Bientôt, je retrouverai Michael.
    La surveillante la poussa vers la porte.
    â€” C’est fini.
    Sur le seuil du parloir, Marina se retourna.
    â€” Qui sait ? Meshané mazl ?
    Dans mon

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