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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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supprimer les uns après les autres…
    â€” Mikhoëls est mort ?
    Le cri de Marina fit tressaillir l’Irlandais. Elle était debout et lui faisait face. O’Neal la toisa, la bouche méprisante. De toute évidence, il était persuadé que l’actrice lui faisait un numéro. Marina s’approcha d’un pas, les flics posèrent la main sur son épaule. Elle répéta :
    â€” Mikhoëls est mort ?
    Cohn et Wood échangèrent un coup d’œil.
    â€” Vous pouvez répondre au témoin, monsieur O’Neal, déclara Cohn.
    L’Irlandais haussa les épaules.
    â€” Si vous ne le savez pas déjà, Miss, Solomon Mikhoëls est mort à l’automne 48. Officiellement renversé par un camion en se rendant à la gare de Minsk. Nos sources sont certaines : c’était un crime maquillé. Celui qui l’accompagnait, un journaliste, Vladimir Golubov, a été tué lui aussi. D’ailleurs, pour ce qu’on sait aujourd’hui, tous ceux qui ont participé à ce comité ont été supprimés ou envoyés geler quelque part en Sibérie.
    Marina se rassit, livide. Je l’entendis murmurer : « Lioussia ! » Les autres aussi. Il y eut un moment d’embarras chez ces messieurs. La sincérité de son émotion était évidente. Et ils ne pouvaient pas avoir déjà oublié ce qu’elle avait raconté, la veille, sur la création houleuse du Comité.
    O’Neal eut un petit rictus à l’adresse de McCarthy et de Nixon.
    â€” Pour être franc, ces deux dernières années, Staline a supprimé pas mal de Juifs en vue. Cette histoire du Birobidjan ne les a pas beaucoup protégés, finalement.
    â€” Monsieur O’Neal, intervint McCarthy, êtes-vous au courant d’une mission de l’OSS au Birobidjan pendant la guerre ?
    Ce fut amusant de voir le visage de l’Irlandais changer. Son air satisfait s’effaça. Sa voix se modifia. Il se mit à marquer un temps avant chaque réponse, à peser ses mots.
    â€” Je peux certifier que cela a existé.
    â€” Dans quelle condition ?
    â€” Ma foi, il n’y a pas que l’Oncle Joe pour avoir de bonnes idées, pas vrai ? Puisqu’il entrouvrait les portes avec cette histoire d’immigration juive et d’aide pour la guerre contre les nazis, il aurait été bête de ne pas en profiter.
    â€” Vous voulez dire, envoyer des agents là-bas ? demanda benoîtement le sénateur Mundt en ouvrant de grands yeux.
    L’Irlandais hésita, fit la moue.
    â€” Il s’agissait d’en savoir un peu plus sur le Birobidjan, et surtout sur ce que les Japs trafiquaient de l’autre côté du fleuve Amour, monsieur. On se battait dans le Pacifique, si vous vous rappelez. L’OSS avait obtenu une information sur une usine d’armes chimiques installée à Harbin, une ville de Mandchourie à deux encablures du Birobidjan. C’était une bonne base d’approche…
    Marina avait relevé la tête. Elle écoutait attentivement. La tristesse s’était effacée de ses yeux. Ce qui y brillait était plus près de la colère.
    Wood demanda :
    â€” L’agent Apron était de ceux-là ?
    O’Neal secoua la tête.
    â€” Je ne suis pas autorisé à vous en dire plus, monsieur. J’avais prévenu le procureur Cohn à ce sujet.
    Il sortit une grosse enveloppe de sa serviette, la montra à Wood.
    â€” Ces documents ne peuvent être lus que par des personnes accréditées.
    Du menton il nous désigna, les sténos et moi. Il retrouvait son petit air de type qui en sait plus que tout le monde.
    â€” J’ai l’autorisation de les laisser sous votre responsabilité, monsieur.
    McCarthy opinait légèrement à chacune de ses phrases. Je commençais à me demander si ces deux-là n’avaient pasmis au point ensemble ce numéro. Si c’était le cas, ils avaient omis de compter avec Marina Andreïeva Gousseïev. Elle gâcha leur spectacle avec un ricanement. Toisa l’Irlandais avec mépris.
    â€” Vous faites des cachotteries parce que vous ne savez rien. Du Birobidjan, vous ne savez rien non plus. Et Michael n’était pas seulement un espion. C’était un vrai médecin.

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