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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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s’engouffrèrent aussitôt dans l’entrée d’un bel immeuble.
    — Ce sont des pensionnaires de la Miséricorde de Jésus, fit-il timidement. Pourquoi me regardez-vous ainsi ? Je vous dis qu’il s’agit d’une maison de religieuses.
    — Et vous voulez me faire croire qu’elles ont déjà prononcé leurs vœux ? cinglai-je en jetant la pomme.
    — Elles ne sont que novices.
    — La façon dont elles vous regardaient me fait douter, persiflai-je en regrettant le goût sucré de la chair.
    Un instant, me revint cet air torturé qui avait précédé l’aveu de ses sentiments à mon endroit. Son secret nichait-il dans un mensonge aussi misérable que malhonnête ? Beltavolo au grand cœur ! J’aurais dû le comprendre... ce garçon était aussi charmant que faible. Allais-je connaître le prix affreux d’un attachement trop soudain ?
    — Vous me mentez ! éclatai-je alors, espérant de tout mon cœur me tromper.
    Il sourit d’un air assuré :
    — Ne vous méprenez pas, Hélène. Ces jeunes filles vivent dans la prière, cloîtrées l’essentiel du jour. Parfois, elles peuvent s’échapper une heure, entre mâtines et vêpres. Et elles ont faim de cette vie que vous voyez ici. Certaines, folles de douleur et d’ennui, tentent de fuir. On les reprend. On les punit. Bientôt, elles ne verront plus le jour comme nous, et leurs yeux font provision de souvenirs et de soupirs dont elles devront se nourrir jusqu’au dernier soir. Leur montrer notre amour est pour elles une déchirure. Alors, je leur parle avec douceur, sans jamais m’en prendre à leur personne. Croyez-moi, le bien que je donne à ces jeunes filles pieuses n’est qu’honnêteté et juste retour de ce qu’elles m’offrent en bonté.
    Il était si touchant dans son discours. Si désolé. Et si vrai à mes yeux. J’étais toute prête à me raisonner.
    — Bonjour, le beau Beltavolo !
    Une femme brune et gracieuse aux allures de gitane se collait cette fois à lui en lui lançant une œillade brûlante.
    — Bonjour, bredouilla-t-il en rougissant derechef.
    — Depuis trois jours, je ne te vois plus au bal du Vieux-Chêne. Es-tu malade ?
    — Oui ! Et atteint d’un mal incurable. Il tombe amoureux au premier regard, jetai-je d’une voix méchante. Mais sans doute connaissez-vous cet outrage.
    La femme sembla me découvrir. Elle me détailla, revint vers François et comprit enfin le drame qui se jouait. Alors, elle s’adressa à moi le plus gentiment qui soit :
    — Comment vous appelez-vous ? dit-elle d’une voix sans haine ni violence.
    — Hélène. Et vous ? grognai-je en redoublant de méfiance.
    — Hélène ! Détrompez-vous, me supplia François. Je vous présente Eva del Esperanza. Elle vient d’Espagne.
    — Je suis comédienne, ajouta-t-elle, et parfois notre troupe improvise une bouffonnerie au bal du Vieux-Chêne. C’est à la fois charmant, bon enfant, chaleureux. Tous les habitants de la rue Mouffetard s’y retrouvent. J’espère avoir le plaisir de vous y voir.
    Eva del Esperanza parlait avec noblesse et son allure, ses gestes se montraient empreints de la même dignité. Elle vit dans mon regard que je l’observais toujours comme un animal étrange, et peut-être un danger, une rivale même. Aussitôt, elle s’avança et prit ma main avec douceur :
    — Vous vous posez des questions. Rassurez-vous. François n’est qu’un ami, et j’ajoute le meilleur des hommes. Quant à moi, dit-elle en souriant, je n’ai pas toujours joué la comédie. Et je devine qu’il pourrait en être de même pour vous.
    — Tu peux lui faire confiance, Eva.
    — Je le sais déjà. Est-elle l’une de ces pauvres jeunes filles qui voudraient s’échapper de la Miséricorde de Jésus ?
    — Elle est à Paris pour des raisons que tu apprécieras puisqu’elles ont trait à la liberté.
    François ajouta pour moi :
    — Eva a fui l’intolérance de l’Inquisition.
    — Et un château en Espagne dans lequel j’aurais étouffé avant de devenir vieille !
    Elle parlait avec audace, se voulant légère, mais son allure magnifiquement sombre trahissait les douleurs de son âme. Elle souffrait d’une déchirure, d’un mal lancinant et profond. Ses yeux semblaient fanés, flétris, précocement usés par un chagrin trop lourd pour s’épuiser en larmes et dont les stigmates se montraient dans les fissures qui blessaient et flétrissaient l’ourlet de ses lèvres.
    — Vous voir me fait plaisir, nous dit-elle. Je vous sens tous deux

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