L'Insoumise du Roi-Soleil
croyez-vous capable de vous porter secours ?
— Je veux peut-être effacer cet air de victime qui vous ronge. Depuis quand n’a-t-on pas fait l’honneur à monsieur de Saint Val de lui demander de l’aide ?
Il ne répondit pas. Il baissa les yeux. Et sa faiblesse décida une jeune fille tendre et naïve d’Anjou à se livrer à son tour :
— Je viens pour réparer l’injustice dont est victime mon père.
— L’injustice ? Vous ne pouviez tomber mieux, fit-il doucement.
— Mademoiselle Hélène – Bonnefoix se manifestait enfin –, vous oubliez la prudence.
— Il déclare haïr ce qu’on fait à mon père. Devrais-je me priver d’un regard qui me semble sincère ? Quel mal y a-t-il à vouloir réconcilier Beltavolo et Saint Val ?
— Vous allez vite en besogne, continua Jean-Baptiste.
— Je comprends votre méfiance, intervint François de Saint Val, mais le sang noble de ma naissance demeure sous ses habits de comédien. Je dois remercier celle qui a tant d’humanité et qui me donne envie. J’ai choisi : votre cause, je la fais mienne !
— Alors, en route ! lançai-je gaiement. Votre première mission la voici : faites-nous sortir de ce boyau.
Aussitôt, il sauta du carrosse et saisit d’une main ferme la bride des chevaux. Mais un coup d’œil lui suffit pour comprendre qu’il était impossible de faire demi-tour.
— Nous allons reculer.
— Ce n’est pas rien que de manœuvrer ainsi, commenta Bonnefoix sans même bouger un petit doigt.
Je me levai d’un coup :
— Voulez-vous de l’aide ?
— Non merci, gente damoiselle, s’amusa Beltavolo. Je ne mésestime pas cette épreuve, et il faut au moins celle-là pour vous prouver que je serai votre héros !
— Restez ici, souffla Bonnefoix à mon intention. Nous avons à parler.
Et laissant François de Saint Val à son labeur, il s’approcha de mon oreille :
— Ce comédien que nous connaissons à peine manifeste trop de fougue, bougonna mon protecteur. Ne trouvez-vous pas étrange son désir si subit de nous servir ?
J’aurais eu bien du mal à lui répondre honnêtement. Accepterait-il d’entendre que j’étais tombée sous le charme d’un jeune homme chez qui je devinais les mêmes sentiments ? Oui, cher Jean-Baptiste, je l’aurais juré. À mes yeux, François de Saint Val ne jouait pas. Nous étions séduits pareillement. Je le ressentais et nous n’y pouvions plus rien. Cette rencontre ? j’y voyais d’abord le signe de la chance. Ensuite, mais seulement ensuite, venait cette question : qui était-il vraiment ?
— Pour savoir ce qu’il cache, le mieux est de ne pas le lâcher du regard, décidai-je.
Et Dieu sait combien j’en avais envie...
— Ne dit-on pas, insistai-je, qu’il faut garder ses ennemis près de soi ?
Mon argument était de peu de poids. Bonnefoix ne tomba pas dans ce piège :
— Avez-vous pensé un instant qu’il pouvait être un espion de La Reynie ?
Je regardai François en train de s’échiner sur l’attelage. Sa maladresse, aggravée par de grands cris qui effrayaient les chevaux, prouvait à un homme de bonne foi qu’il n’y avait assurément rien à craindre de celui-là.
— Il ne ferait pas de mal à une mouche !
— Eh ! Qui vous dit qu’il n’en est pas une et qu’il ne fréquente pas cette engeance inventée par ce lieutenant de police ? Je soupçonne déjà une horrible intrigue. La Reynie nous piste depuis que nous avons quitté Saint Albert. Sitôt à Paris, il glisse à nos côtés une mouche adroite et pour ajouter à nos malheurs, vous vous y intéressez. Dieu, que cette ville est dangereuse !
— Après avoir usurpé le titre de mouches, nous en serions victimes ? La situation serait amusante. Comme quoi, Bonnefoix, il ne faut jamais mentir ! C’est un mauvais péché...
Il se signa sur-le-champ :
— Parbleu ! Je trouve cela moins drôle que vous.
— Fais confiance à ma ruse... Si ton pire cauchemar est vrai, je le saurai.
— Et comment ?
— Je le forcerai à parler.
— Et comment ? répéta Jean-Baptiste.
— J’utiliserai mes sortilèges. Ne m’en crois-tu pas capable ?
— Oh ! que trop. Mais je redoute également que vous ne tombiez dans les siens.
— Quel mal y aurait-il si ce jeune homme est sincère ?
— Voulez-vous que nous étudiions cette solution heureuse ? Soit. Il veut réellement nous venir en aide. Et moi, je fais les comptes. Une épée de bois tenue par un artiste ! Un fils banni par son père pour défendre le
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