L'Insoumise du Roi-Soleil
vôtre. Allons ! Où est le bon sens ?
— Je jure de vous défendre ! lança François. N’est-ce pas une raison suffisante ?
Il nous regardait en souriant, les mains posées sur le carrosse. Il était à terre et, seule, sa tête se montrait. Il nous écoutait, le demi-tour ayant parfaitement réussi. Les chevaux faisaient face à la rue. Et il ne cachait pas sa joie d’avoir réussi ce noble devoir. Depuis quand se trouvait-il tranquillement à cette place ? Trop occupés à débattre, nous avions perdu de vue le sujet principal. Jean-Baptiste se renfrogna. Moi, je sondai Beltavolo. Cette allure sereine et cet air innocent pouvaient-ils cacher l’âme la plus sombre ?
— Ne jurez pas, monsieur de Saint Val, lançai-je en le poussant à retrouver la place du cocher. Saisissez vos rênes et conduisez-nous jusqu’à notre destination. C’est, pour l’heure, la meilleure façon de nous secourir.
— Vers quoi dois-je me diriger ? demanda-t-il, décidé.
— Rue de la Couture-Sainte-Catherine.
— Au début, au milieu, ou peut-être à la fin ?
— Très exactement, vous vous arrêterez devant l’hôtel de madame de Sévigné.
— Serait-ce pour la rencontrer ? balbutia-t-il, étonné.
— Appelons cela une visite de courtoisie, répondis-je en posant un doigt sur mes lèvres.
— Vous connaissez donc cette femme extraordinaire ?
— Il est impossible que la curiosité ne vous ait pas appris ce qui nous y amène, s’échauffa Bonnefoix. Allez, monsieur, plus de questions. En route ! Puisque vous avez promis de nous servir...
LA CAUSE EN EST CACHÉE
1 - Selon l’appréciation de Boileau.
2 - Le dîner s’entend à l’époque comme notre déjeuner.
3 - Personnage de la comédie italienne.
4 - Anagramme de Catherine.
5 - Vincent Voiture (1597-1648). Poète et modèle de la préciosité.
6 - En juillet 1680.
VII. La cause cachée de l’Affaire des Poisons
Un valet très âgé nous ouvrit le porche de l’hôtel Carnavalet. Petit, et plus encore voûté, il s’accrochait à ce lourd rempart d’une main maigrelette. Une brise légère souleva la poignée de crins blancs qui couronnait sa tête. Cela suffit pour qu’il tangue sur place.
— Puis-je voir la marquise de Sévigné, s’il vous plaît ? demandai-je doucement.
Le valet plissa les yeux, ajoutant de ce fait une quantité prodigieuse de petites rides à son visage raviné par le temps. Il cherchait, cherchait. Cette vague silhouette ne lui semblait pas inconnue. Pourtant, sa mémoire, sans doute, le trahissait.
— Pardonnez ma distraction, j’ai peur d’avoir oublié votre nom, répondit-il sur un ton attristé en penchant légèrement la tête.
— Hélène de Montbellay, fille du comte de Saint Albert.
— Mon Dieu ! s’exclama-t-il en se redressant si prestement qu’il parut vingt ans de moins. Ah ! Nous fabriquions du mauvais sang... Un courrier rapide nous a fait parvenir une lettre de votre père par laquelle il nous informait de votre visite. Selon nos calculs, nous espérions votre arrivée depuis deux jours. Merci, Seigneur tout-puissant. Merci ! Enfin, vous êtes là.
L’évocation du nom de mon père réchauffa mon cœur. Depuis le départ, je lui avais fait parvenir quelques missives écrites trop rapidement au hasard de nos étapes dans les relais de poste. Les avait-il au moins reçues ?
— Je crois savoir que monsieur votre père va bien, souffla le vieux valet comme s’il devinait mes pensées. Il se languit, du fait de ce que nous avons appris, mais il se porte au mieux qu’il peut. Rassurez-vous, vous en apprendrez plus auprès de madame la marquise... Car le chemin n’est plus très long, plaisanta ce petit bonhomme efflanqué, mais que notre arrivée semblait avoir réveillé.
Nous franchîmes un porche de style Renaissance, enchâssé dans un mur d’une hauteur suffisante pour que les mystères de l’hôtel Carnavalet se cachent à la rue. Après, une charmante cour se présenta. Sur les côtés, deux ailes se déployaient. Au fond, le corps du logis principal était rehaussé par des balcons forgés qui couraient à l’étage et que magnifiaient de grandes et belles fenêtres par lesquelles se devinait un intérieur meublé avec goût. À l’extérieur, le plus admirable se trouvait dans une série de sculptures de belle taille incrustées dans la façade principale comme autant de pilastres ou de colonnes. L’ensemble s’apparentait aux décors d’un théâtre antique mettant en
Weitere Kostenlose Bücher