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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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aux victuailles. Je me fie à cet avis pour en consommer pendant le carême...
    — J’en ferai part à Jean-Baptiste. La nouvelle le réjouira.
    — Crois-tu qu’il discute toujours avec Sébastien ?
    — En vous quittant, j’irai les retrouver.
    — Et moi, je t’abandonnerai. Je dors déjà les yeux ouverts. Ces gourmandises feront mon souper.
    J’avais alors attrapé le chocolat en boudin à l’espagnole qui se cachait derrière sa tasse :
    — Voici le morceau qui accompagnera vos rêves...
    Elle l’avait avalé sur-le-champ.
    — Veux-tu que j’appelle pour qu’on dresse un couvert ?
    — Il est tard. Je grappillerai en cuisine.
    — N’es-tu pas fatiguée ?
    — Vos histoires me tiennent éveillée...
    — Profite du privilège que t’offre la jeunesse. Moi, le sommeil me gagne.
    Elle allait pour se lever mais je l’interrompis.
    — Puis-je encore vous questionner ?
    — Fais vite, Hélène, mes paupières sont lourdes...
    — Vous disiez, en commençant, que la cour avait changé. Mais en quoi ?
    — Depuis que le roi s’est installé à Versailles, on étouffe, me confia-t-elle. La liberté fait défaut. En vérité, l’esprit n’est plus le même depuis l’Affaire des Poisons. La dévotion est à la mode. Et cette façon de vivre ne s’accorde pas au tempérament de la Montespan.
    — C’est pourquoi madame de Maintenon pourrait triompher ?
    La marquise de Sévigné avait soupiré lourdement puis porté une main à son front, signe de sa lassitude. Et quand elle avait repris la parole, ses yeux étaient restés fermés :
    — Les empoisonneurs qui ont échappé au bûcher ruminent dans leurs geôles. Le temps est long, leur mort certaine, mais ils se frottent les mains en pensant au mal qu’ils ont produit. Dans l’Affaire des Poisons, la plus à plaindre est, peut-être, celle qui leur a survécu.
    — Montespan... Car, depuis, elle affronte Maintenon. C’est cela ?
    — Montespan a surmonté les épreuves. Les accusations se sont évanouies. Colbert a prouvé que l’enquête avait souffert de légèretés. Mais il reste le doute. Une maladie qui s’en prend à l’amitié et à l’amour, qui entre sous la peau et n’en bouge plus, qui ronge les sentiments plus sûrement qu’une tumeur. Or le roi doute. Et Montespan conjecture, puisque le roi agit de même. Ce cercle est infernal. L’Affaire des Poisons a rompu le pacte unissant ces deux êtres qui s’aimaient et se respectaient. On m’a rapporté récemment qu’ils s’étaient disputés. Ce fait, nouveau, constitue la preuve, ajoutent certains en se réjouissant, que plus rien ne sera comme avant. Et je n’ai nul besoin de La Reynie ou de ses bourreaux pour m’en persuader. Depuis peu, des têtes inhabituelles, des idées nouvelles se glissent à la cour. Elles sont moins gaies que celles que prônait la sultane du roi et que j’appelais Quanto. À l’inverse, madame de Maintenon se rapproche. La dévotion et ses partisans s’invitent à sa suite. On a tort de croire que ces changements datent de l’installation de la cour à Versailles. Ils s’avèrent plus anciens et, je le crains, plus profonds. Depuis deux ans, le roi change. Il danse moins et prie plus. L’Affaire des Poisons a agi chez lui comme un choc. En ce sens-là, le roi fut, sinon visé, du moins touché. S’il abandonne Montespan, ce n’est pas qu’il s’en lasse, mais pour des raisons enfouies remontant à la surface et ayant trait à la morale. La dévotion arbitrera son choix. S’il choisit Maintenon, il épousera ses thèses. Et les jésuites dirigeront un peu plus leurs consciences. Si la veuve Scarron devient madame de Maintenant , qu’adviendra-t-il alors de la tolérance et du respect de la foi de chacun ?

    La marquise de Sévigné avait rapproché ses mains comme on le fait pour prier :
    — On la dit si méfiante envers les protestants et les jansénistes, souffla-t-elle.
    Elle avait rouvert les yeux, mais ses mains restèrent serrées :
    — Ce n’est pas un secret, je suis amie et proche des jansénistes de Port-Royal. Nous partageons les mêmes questions et les mêmes craintes depuis l’Affaire des Poisons.
    — Je comprends pourquoi vous suivez ce qui se passe à la cour. L’intolérance ! Cela n’est pas assurément bon pour mon père.
    — Ne t’avait-il pas prévenue ?
    J’avais baissé la tête sans lui répondre. Elle s’était levée aussitôt et approchée de moi. Ses mains se posèrent sur mes cheveux :
    — Ah ! Te

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