Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
Vom Netzwerk:
l’on se fût rappelé tout à coup pourquoi on se trouvait réuni en cet endroit. Le compagnon du major Lincoln l’avait quitté, et Lionel se rendait vers le portail, quand son oreille fut frappée par une voix qui psalmodiait d’un ton nasal à côté de lui :
    – Malheur à vous ! pharisiens, car vous aimez les premières places dans les synagogues !
    Quoique Lionel n’eût pas entendu cette voix depuis le cri qui était parti de la fatale redoute, il la reconnut à l’instant. Se retournant à cette menace singulière, il vit Job Pray, debout et immobile comme une statue dans une des niches pratiquées dans le mur de l’édifice, d’où sa voix sortait comme celle d’un prophète prononçant des oracles.
    – Drôle, s’écria Lionel, aucun danger ne vous apprendra-t-il à être prudent ? Comment osez-vous braver ainsi notre ressentiment ?
    Ces questions ne purent attirer l’attention de l’idiot Job, dont le visage était pâle et maigre, comme s’il relevait d’une grande maladie, et dont les vêtements étaient plus malpropres et plus misérables que de coutume ; il semblait complètement étranger à tout ce qui se passait autour de lui, et sans même fixer un instant ses regards égarés sur celui qui parlait, il continua :
    – Malheur à vous ! car vous n’y allez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui y vont !
    – Es-tu sourd, fou ? s’écria Lionel.
    Au même instant l’œil de Job se fixa sur celui qui l’interrogeait, et le major Lincoln tressaillit involontairement en voyant un regard d’intelligence sauvage briller sur les traits de l’idiot, qui continua sur le même ton :
    – Quiconque dira à son frère raca sera en danger du conseil, et quiconque lui dira tu es un fou , est en danger du feu de l’enfer.
    Lionel resta un moment comme sous l’influence d’un talisman, en voyant de quel air Job prononçait cet anathème. Mais le charme ne tarda pas à se rompre, et le touchant légèrement du bout de sa canne, il lui ordonna de descendre de sa niche.
    – Job est un prophète, répondit le jeune homme ; mais au même instant il déshonora son caractère prophétique en prenant l’air d’idiotisme qui lui était naturel, la lueur de raison qui avait éclairé ses traits ayant passé comme un éclair. Il est mal de frapper un prophète, ajouta-t-il ; les Juifs battaient les prophètes et les lapidaient.
    – Faites donc ce que je vous ordonne. Voulez-vous rester là pour que les soldats vous battent ? Allez-vous-en. Venez me trouver après le service, et je vous ferai donner de meilleurs vêtements que les guenilles que vous portez.
    – N’avez-vous jamais lu le bon livre ? Ne dit-il pas que vous ne devez vous inquiéter ni de la nourriture ni du vêtement ? La vieille Nab dit que lorsque Job mourra il ira au ciel, car il a de quoi manger à peine, et encore moins de quoi se vêtir. Les rois portent des couronnes d’or et de diamants ; mais les rois vont toujours dans l’abîme.
    L’idiot se tut tout à coup, et s’accroupissant au fond de sa niche, il se mit à jouer avec ses doigts, comme un enfant qui cherche à s’amuser en exerçant ses membres. Au même instant Lionel se détourna de lui, entendant un bruit de sabres qui traînaient sur la terre, et plusieurs personnes qui marchaient derrière lui. C’était l’état-major de l’armée qui arrivait pour entrer dans l’église, et Lionel en reconnut sur-le-champ les deux chefs, qui, un peu en avant des autres, s’étaient arrêtés pour écouter ce qui se passait, et regardaient avec attention l’être singulier placé dans la niche. Malgré sa surprise, le major Lincoln salua le commandant en chef avec la déférence due à son rang, et reconnut qu’il avait les sourcils encore plus froncés que de coutume.
    – Quel est, demanda Howe, ce drôle qui ose condamner à la perdition éternelle les puissants de la terre, sans même en excepter son souverain ?
    – C’est un être infortuné, privé de raison, que le hasard m’a fait connaître, répondit le major Lincoln. Il ne sait ce qu’il dit, et encore moins en présence de qui il se permet de parler.
    – Ce sont de pareilles opinions, conçues par les intrigants et répandues par les ignorants, qui ont fait chanceler la fidélité des colonies, dit le général en chef. J’espère, major Lincoln, que vous pouvez répondre de la loyauté de votre singulière connaissance ?
    Lionel allait lui

Weitere Kostenlose Bücher