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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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ne tarda pas à devenir plus distinct, et, dans les intervalles de la canonnade, qui continuait à gronder dans le lointain, ou entendait les cris de ceux qui indiquaient aux autres la marche qu’ils devaient suivre. Malgré le bras vigoureux qui la soutenait, Cécile, épuisée par toutes les fatigues de cette nuit, sentit bientôt qu’elle était incapable de continuer les efforts nécessaires pour assurer leur sûreté commune. Ils venaient d’entrer dans une petite route située à peu de distance de la première, quand Lionel s’aperçut que les forces manquaient entièrement à sa compagne.
    – Attendons ici ceux qui nous cherchent, dit-il, et que les rebelles prennent garde d’abuser de leur léger avantage.
    À peine avait-il prononcé ces mots, qu’un chariot attelé de quatre bœufs tourna un angle que faisait la route en cet endroit, et le conducteur passa à quelques pieds d’eux. C’était un homme très-avancé en âge, mais qui maniait encore l’aiguillon avec une dextérité qu’il devait à la pratique de plus d’un demi-siècle. La vue de cet homme seul et de sa voiture fit naître tout à coup d’autres idées dans l’esprit de Lionel ; et faisant asseoir sa compagne épuisée sur le bord de la route, il s’avança vers ce paysan d’un air capable de donner des alarmes à un homme qui aurait eu la moindre raison pour appréhender quelque danger.
    – Où allez-vous avec ce chariot ? lui demanda-t-il d’un ton brusque.
    – Où je vais ? Et où voulez-vous que j’aille. Vieux et jeunes, grands et petits, bœufs et chevaux, chariots et charrettes, tout ne va-t-il pas à la presqu’île de Dorchester cette nuit ? Voyez-vous, continua-t-il en posant à terre la pointe de son aiguillon, et en s’appuyant des deux mains sur l’autre bout, j’ai eu quatre-vingt-trois ans, le 14 mars dernier, et j’espère, s’il plaît à Dieu, qu’il n’y aura plus un habit rouge dans Boston à pareil jour de l’année prochaine. À mon avis, il y a assez longtemps qu’ils y sont, et il est temps qu’ils en partent. Mes enfants sont soldats dans le camp, et c’est ma vieille femme qui, depuis le coucher du soleil, m’a aidé à charger ma voiture comme vous le voyez. Je la conduis à Dorchester, et il n’en coûtera pas un farthing au congrès.
    – Et vous allez porter ce foin à la presqu’île de Dorchester ? dit Lionel, ne sachant trop ce qu’il devait faire, et ne pouvant se résoudre à user de violence envers un homme de cet âge, et si peu en état de résister.
    – Parlez plus haut, parlez comme vous le faisiez d’abord, car j’ai l’oreille un peu dure. Ce n’est pas qu’on m’ait mis en réquisition ; non, non, on a dit que j’en avais déjà fait assez ; mais, comme dit ma femme, un homme n’a jamais assez fait pour son pays, quand il n’a pas fait tout ce qu’il peut faire. On dit qu’on y porte des fachines, comme ils les appellent, et qu’il leur faut du foin bien serré ; comme je ne sais ce que c’est que leurs fachines, et que je ne manque pas de foin, j’en ai chargé cette voiture, et je la leur porte ; et si ce n’est pas assez, quoi ! Washington n’a qu’à venir, et il peut prendre mes meules, ma grange et tout ce qu’elle contient.
    Puisque vous êtes si libéral pour le congrès, voudriez-vous venir en aide à ma femme qui a besoin d’aller du même côté, et qui se trouve trop fatiguée pour pouvoir marcher davantage ?
    – De tout mon cœur, répondit le voiturier en jetant les yeux autour de lui pour la chercher ; j’espère qu’elle n’est pas bien loin, car je ne voudrais pas que les boulets anglais arrivassent sur nos gens, sur les hauteurs de Dorchester, faute de quelques bottes de foin pour les en préserver.
    – Elle ne vous retardera pas un instant, dit Lionel en courant à l’endroit où il avait laissé Cécile, qui était cachée par l’ombre d’une barrière {71}  ; et l’ayant amenée près du chariot, il ajouta : – Vous serez bien récompensé de ce service.
    – Récompensé ! c’est peut-être la femme ou la fille de quelque soldat ; et en ce cas elle devrait être assise dans une voiture à quatre chevaux, au lieu d’être juchée sur un chariot de foin traîné par quatre bêtes à cornes.
    – Vous ne vous trompez pas ; son père était soldat, et son mari l’est aussi.
    – Que le ciel la bénisse ! Je crois que le vieux Put avait plus d’à moitié raison quand il disait que nos

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