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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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deux hommes et une femme fuir sur la route en venant ici ?
    – Parlez plus haut, j’ai l’oreille dure. Des femmes, dites-vous ? Quoi ! est-ce qu’ils vous lancent aussi leurs Jézabels dans le camp ? Il n’y a rien que la méchanceté des ministres du roi ne soit en état de faire pour triompher de la faiblesse de notre nature.
    – Avez-vous rencontré deux hommes et une femme qui s’enfuyaient du village ? lui demanda le soldat en lui criant à l’oreille.
    – Deux… deux hommes ; dites-vous ? demanda le vieillard en tournant la tête un peu de côté dans une attitude de réflexion.
    – Oui, deux hommes.
    – Non, je n’ai pas rencontré deux hommes s’enfuyant du village, dites-vous ?
    – Oui, comme si le diable les poursuivait.
    – Non, je n’ai rencontré personne qui s’enfuyait. C’est signe qu’on est coupable quand on s’enfuit. A-t-on offert quelque récompense pour celui qui les arrêterait ?
    – Non, ils viennent seulement de s’échapper.
    – Le plus sûr moyen d’attraper un voleur, c’est d’offrir une bonne récompense. Non, je n’ai pas rencontré deux hommes. Vous êtes bien sûr qu’il y en avait deux ?
    – Avancez donc avec ce chariot qui gêne le passage, avancez donc, s’écria un officier à cheval qui venait du quartier-général, et qui tâchait de rétablir un peu d’ordre dans les rues ; et ce peu de mots rappelant au vieux fermier l’idée du chemin qu’il avait encore à faire, il leva de nouveau son aiguillon, et remit ses bœufs en mouvement. Cependant il les faisait marcher encore plus lentement que de coutume, regardait en arrière, et s’arrêtait de temps en temps, comme s’il eût réfléchi s’il devait retourner sur ses pas. Enfin il monta sur sa voiture, et se plaça sur le foin de manière à pouvoir d’un œil conduire ses bœufs, et de l’autre examiner ses deux compagnons. Il resta ainsi occupé pendant près d’une heure sans qu’un seul mot fût prononcé de part ni d’autre. Alors le voiturier, convaincu sans doute que ses soupçons étaient mal fondés, descendit du haut de son chariot et reprit sa place à côté de ses bœufs ; peut-être aussi s’y décida-t-il parce que la route devenait plus difficile, et que les chariots s’en retournant à vide qu’on rencontrait à chaque pas, exigeaient qu’il donnât toute son attention à son attelage.
    Lionel, dont les idées sombres s’étaient dissipées en partie par suite des scènes rapides et successives que nous venons de décrire, se sentit alors soulagé de toute crainte immédiate. Il chercha à faire partager à Cécile les nouvelles espérances qu’il concevait, la couvrit du surtout que Ralph lui avait fait mettre, afin de la préserver du froid de la nuit, et au bout de quelques minutes, il eut le plaisir de voir que, cédant à la fatigue, elle goûtait enfin les douceurs du repos.
    La nuit était bien avancée quand ils aperçurent les hauteurs qui s’élèvent au-delà de Dorchester ; Cécile venait de s’éveiller, et Lionel cherchait déjà quelque prétexte plausible pour quitter le chariot sans risquer de faire renaître les soupçons du vieux fermier. Enfin il trouva un endroit qu’il jugea favorable pour exécuter ce projet ; la route était coupée par deux sentiers de traverse ; personne ne se montrait dans les environs, et Lionel allait parler, quand les bœufs s’arrêtant d’eux-mêmes, il vit Ralph devant eux au milieu du chemin.
    – Faites place, l’ami ! s’écria le voiturier en avançant vers lui ; ne voyez-vous pas que vous empêchez mes bœufs de passer ?
    – Descendez ! dit Ralph à Lionel en faisant un geste du bras.
    Lionel obéit sur-le-champ, aida Cécile à descendre, et s’approcha du fermier.
    – Vous nous avez rendu un plus grand service que vous ne le pensez, lui dit-il ; prenez ces cinq guinées.
    – Et pourquoi ? pour vous avoir fait faire quelques milles sur une voiture de foin ? Ces services-là ne se vendent pas dans cette colonie. Mais dites-moi donc, l’ami, il paraît que l’argent ne manque pas dans votre gousset dans un temps où personne n’en a beaucoup ?
    – Eh bien ! mille remerciements ; je ne puis m’arrêter pour vous offrir autre chose.
    Au même instant, remarquant les gestes d’impatience de Ralph, il alla le rejoindre, et aidant Cécile à franchir une barrière, ils disparurent tous trois aux yeux du fermier surpris.
    – Holà ! holà ! l’ami,

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