Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
valeur de mon ami ne s’exerce que sur les poulaillers, je ne doute pas qu’il ne vienne déposer à vos pieds les trophées de sa victoire. Je me hâte de vous quitter, pour vous épargner la vue d’un uniforme qui vous déplaît.
Lionel tendit la main à Cécile, qui lui donna la sienne avec franchise, et souffrit que tout en parlant il la conduisît jusqu’à la porte de la rue.
– Combien je voudrais que vous restassiez ici, Lincoln ! dit-elle lorsqu’ils s’arrêtèrent sur le seuil ; comme militaire vous n’êtes pas forcé de partir, et comme homme, ne devriez-vous pas être plus sensible aux malheurs de vos compatriotes ?
– C’est comme homme que je pars, Cécile, répondit Lionel j’ai pour cela des motifs que vous ne pouvez soupçonner.
– Et votre absence doit-elle être longue ?
– Si elle ne dure quelques jours mon but ne sera pas rempli ; mais, ajouta-t-il en lui pressant doucement la main, vous ne pouvez douter de mon empressement à revenir dès que cela me sera possible.
– Allez donc, dit Cécile vivement et en dégageant sa main qu’il tenait encore ; allez, puisque vous avez des raisons pour agir ainsi ; mais rappelez-vous que tous les yeux sont ouverts sur les moindres mouvements d’un officier de votre rang.
– Vous défiez-vous de moi, Cécile ?
– Non ! non ! je ne me défie de personne, major Lincoln ; allez, allez…, et… et venez nous voir, Lionel, dès que vous serez de retour.
Il n’eut pas le temps de lui répondre, car elle rentra si vite dans la maison que Lionel eut à peine le temps de remarquer qu’au lieu de rejoindre sa cousine, Cécile monta le grand escalier avec la grâce et la légèreté d’une sylphide.
CHAPITRE IX
Arborez la bannière sur les murs extérieurs. Le cri de guerre est toujours : Les voici !
SHAKESPEARE. Macbeth .
Lionel, en sortant de la maison de Mrs Lechmere, se dirigea vers Beacon-Hill, et il avait gravi une partie de la colline avant de s’être souvenu pourquoi il errait ainsi seul à une pareille heure. Il s’arrêta alors un instant, mais, n’entendant aucun bruit dans la direction des casernes, il céda sans le savoir aux sentiments divers qui lui faisaient rechercher la solitude, et il continua sa marche jusqu’à ce qu’il fût parvenu sur le sommet. De cette position élevée, ses yeux se promenèrent sur la scène de nuit qui se déployait à ses pieds, tandis que ses pensées, rejetant les flatteuses espérances dont il s’était plu à se bercer, se portaient toutes sur le moment actuel et sur les circonstances immédiates qui s’y rattachaient.
Du côté de la ville s’élevait un murmure sourd et confus, comme s’il régnait une agitation générale que chacun cherchait à cacher. Aux flambeaux qui se succédaient dans les rues, aux lumières qui allaient et venaient dans toutes les maisons, il était facile de reconnaître que l’expédition projetée n’était plus un mystère pour les habitants. Lionel tourna de nouveau la tête vers les casernes, et écouta longtemps avec une vive impatience ; mais rien n’annonçait qu’il se préparât aucun mouvement parmi les troupes. L’obscurité était alors profonde, et la nuit jetait ses teintes sombres et épaisses sur l’amphithéâtre de rochers qui entourait la ville, tandis qu’elle couvrait d’un voile impénétrable les vallées et les plaines qui les séparaient, ainsi que l’étendue des eaux.
Il y avait des moments où il croyait entendre parmi les habitants de l’autre rive une vague rumeur qui lui faisait présumer qu’ils étaient instruits de la descente qu’on méditait ; mais en écoutant plus attentivement, il ne distingua rien que les beuglements des bestiaux dans les prairies et le bruit des rames produit par une ligne de barques qui, s’étendant le long des côtes, annonçaient la nature et l’étendue des précautions qui avaient été jugées nécessaires dans la circonstance.
Lionel restait debout sur le bord d’un petit terre-plein formé par l’aplanissement de la pointe du rocher terminé en cône. Il réfléchissait aux résultats probables de la mesure que ses chefs avaient résolu de prendre, lorsqu’une lueur d’abord faible, mais bientôt plus vive, se répandit sur la plaine ; et cette clarté vacillante augmenta de plus en plus, se projeta sur la colline, et sembla se jouer autour du fanal en reflets brillants et multipliés.
– Misérable ! s’écria un homme sortant de
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