Liquidez Paris !
rappelle les répressions de Nicolajev, en 38. Les mineurs de Nicolajev étaient des durs, et ils avaient battu la police avec des bois de mine, mais ça ne leur a pas réussi. On est venu nous chercher à Saporotsche où nous étions à l’exercice avec l’armée kalmouke.
Tovaritch ! Il tape sur l’épaule da Porta lui s’assombrit.
– On ne t’a jamais prédit l’avenir, Gospodin Camarade ? demande Porta avec un regard en dessous. Je suis un grand mage. Je vois le passé et l’avenir. Donne ta patte Tovaritch !
Hésitant, le Cosaque tend sa paume en tripotant de son autre main le petit fouet enroulé.
– Tu as peur ? ricane Porta.
– Peur ? dit le Russe méfiant. Qu’est-ce que c’est que ça ? Mais ce n’est pas toujours bon de connaître le destin.
– Voyons voir. – L’expression de Porta devient lointaine. – Tu as été caporal au service de l’oncle Joseph Staline. A ce moment-là tu avais une visière avec une croix rouge et tu es resté un moment à la garnison de Majkof.
– Sainte Mère de Kazan ! Tu es un grand mage !
D’autres Cosaques s’attroupent et la crainte
se lit sur leurs visages. Un vieux sergent à barbe blanche se signe.
– Aussi vrai que la grand-mère du diable était pire que lui, ce Germanski est un diable, murmure-t-il.
Porta tape dans la main du Russe.
– Pas fameux, Gospodin Tovaritch ! Je vois un chemin défoncé, de la poussière, pas de machorka, pas d’eau, une longue colonne… Qu’elle est longue ! Tous les gars portent les insignes Vlassov. Je suppose que tu es assez fort pour entendre la vérité, Tovaritch ? Il y a des généraux américains et russes assis devant une grande table qui boivent du whisky, de la vodka et qui fument de gros cigares. Ils signent des papiers, ils se serrent la main. Ah ! je vois aussi… Adolf est tombé, et l’oncle Ivan se fait remettre tous les Cosaques pour que vous ne filiez pas à l’étranger. Le Petit Père veut vous avoir tous sous son aile ! Tovaritch, tu connais Dalstroj (Camp de déportés en Sibérie) ? Eh bien, tu apprendras à le connaître, et la nagajka aussi. Oh ! Je vois très loin une potence avec une corde toute neuve, mais tu as la cha nce d’y échapper. De toute façon, sois sûr d’une chose camarade, tu finiras tes jours comme Wœnna plenny (prisonnier de guerre).
Le Cosaque arracha sa main et fit un bond en arrière.
– Le diable t’apporte la peste, et que tu ailles cuire dans la poêle puante de Satan ! cria-t-il.
Petit-Frère qui écoutait empoigna le Russe et le souleva de terre comme un chiot.
– Cochon de Russe, file et vois à parler autrement ! Sinon compte sur moi pour te pousser sur le chemin de Dalstroj ! Et à coups de nagajka, Tovaritch.
Le Cosaque se mit à jurer comme un Templier et nous savions par expérience que pas un être humain ne possède autant de mots qu’un Russe pour jurer et maudire. Dans sa colère, il en oublia l’endroit où il se trouvait.
– Vive la révolution ! Vive Staline ! Mort aux barbares allemands ! criait-il avec rage.
– Fallait y penser plus tôt, ricana Porta. Tu as mal misé, Tovaritch.
L’homme lâcha une obscénité, remonta à cheval, et en passant devant nous, esquissa un mouvement menaçant de son sabre.
– Que les mauvais rêves et les tortures vous frappent ! dit-il les yeux luisant de haine.
– Mourez de soif sous le soleil, sales Ivalmouks !
Le régiment de Cosaques disparut au grand trot et le lieutenant Löwe qui paraissait très irrité s’approcha de notre char.
– Obergefreiter Porta, je n’admets pas que vous vous moquiez des volontaires alliés ! Un de leurs damnés chefs a été se plaindre au commandant.
Porta, sans même se lever, claqua des talons.
– Mon lieutenant, ce crapaud des marais est venu pour que je lui prédise l’avenir. Il a eu la vérité, c’est tout, ce fumier finira dans le Dalstroj de l’oncle Joseph !
– Assez Porta ! Vous y finirez peut-être vous-même.
– C’est bien possible, mon lieutenant.
L’oncle Joseph manquera de cadres quand on aura fini la guerre.
Le lieutenant Löwe s’éloigna fort mécontent et un silence pesant s’abattit sur toutes choses. Une chouette hulula dans un arbre ; la nuit s’écoulait ; le brouillard de l’aube se leva et nous fîmes le café en manquant de peu de faire flamber le char. Les quarts de métal brûlaient les lèvres, mais Porta avait volé à l’intendance tout un seau
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