L'oeil de Dieu
au château et à Kingsmead. Demain matin, nous partons à la poursuite de Faunte. Gloucester est bien décidé à le prendre, le juger et le pendre dans la journée.
Colum fit entendre un petit sifflement tandis que Kathryn demandait :
— Pourquoi maintenant, précisément ?
— Monseigneur n’en a rien dit, répliqua Fletcher, mais les espions du roi assurent que demain Faunte pourrait bien sortir du couvert de la forêt pour se rendre dans un port du Kent et embarquer pour l’étranger.
Colum s’empara de ses bottes qui séchaient au coin du feu pour les chausser.
— C’est que notre noble roi n’oublie jamais un traître, déclara-t-il. Juste avant de marcher contre Warwick, à Barnet, il maudissait Faunte qui avait dressé Cantorbéry contre lui, lui fermant ainsi la route de Douvres.
Le regard de Kathryn s’évada par la fenêtre.
— Il fait noir, s’écria-t-elle, et il est déjà dangereux de courir les rues de Cantorbéry au coeur de la nuit ! À plus forte raison de pourchasser un homme à travers le Kent !
Colum se leva, et les éperons à ses bottes tintèrent. Il prit son ceinturon en cuir suspendu à un crochet du mur.
— N’ayez crainte, nous allons sans doute nous réunir à Kingsmead où Gloucester mettra au point son plan de campagne. Il veut probablement que nous commencions notre chasse demain à l’aube. Si Faunte sort à découvert, il le fera tôt le matin, quand les routes sont désertes, et la campagne endormie.
L’Irlandais refusa l’offre de Kathryn d’emporter des vivres et du vin. Il prit sa cape et ses fontes de selle, et, avec un sourire à l’adresse de son hôtesse, suivit Gabele et Fletcher.
— Attendez un instant ! cria Kathryn.
Gabele et Fletcher s’immobilisèrent.
— Avez-vous du nouveau sur la mort de Webster ?
— Nous avons tout raconté à Gloucester, répondit Gabele, mais nous ne savons rien de plus, Maîtresse.
Webster gît glacé dans sa tombe, et l’on ignore toujours s’il s’est jeté du belvédère, s’il a glissé, ou si quelqu’un l’a poussé.
Après avoir remercié le soldat, Kathryn referma la porte sur les trois hommes et s’y adossa. Le Ciel soit loué ! Colum au moins ne risquerait rien, au milieu des hommes de Gloucester !
Kathryn regagna la cuisine où Agnes, qui tombait de sommeil, avait débarrassé la table pour apporter la pâte, une cruche d’eau et des écuelles afin de préparer le pain que l’on mettrait à cuire le lendemain matin à l’aube. Thomasina aidait la fille de cuisine, la houspillant gentiment, puis elle lui ordonna de monter se coucher. Kathryn observa attentivement la jeune Agnes. Celle-ci était fatiguée, mais elle tripotait sans arrêt la petite bourse suspendue à son cou.
Kathryn s’assit sur le banc devant la table.
— Viens ici, Agnes, ordonna-t-elle.
La servante obéit à la hâte, désireuse de contenter sa maîtresse. Kathryn lui sourit.
— Assieds-toi.
La jeune fille le fit sans quitter des yeux Kathryn.
— Depuis combien de temps vis-tu avec nous ?
Agnes fronça les sourcils.
— Je crois que j’ai treize ans. Votre père m’a conduite ici il y a sept ans. Avant, j’étais à l’hospice des Enfants Trouvés.
Kathryn sourit. Elle se souvenait très bien de l’arrivée d’Agnes. Son père avait toujours eu pitié des enfants abandonnés. Il s’était rendu ce jour-là à l’hospice pour y soigner une religieuse, et il était tout simplement rentré chez lui avec la fillette. Personne n’avait jamais demandé à Agnes de travailler comme fille de cuisine, et quand Kathryn avait voulu l’en empêcher, la timide gamine avait pleuré plusieurs jours durant.
— Qu’y a-t-il dans ta bourse, Agnes ?
— Les pièces que vous me donnez, Maîtresse. Elles constitueront ma dot.
— Et tu as déjà choisi l’heureux garçon ? demanda Kathryn, mordillant sa lèvre.
Agnes rougit.
— Non, mais…
— Tu me dis bien la vérité ? la taquina Kathryn.
— J’aime bien Wormhair.
— Qui ?
— Wormhair. Il sert la messe à Sainte-Mildred.
Kathryn avait remarqué le jeune garçon au visage d’ange et aux cheveux si gras qu’ils tenaient raides comme des clous sur son crâne. Elle eut envie de rire et cacha sa bouche derrière sa main.
— Dis-moi, Agnes, es-tu heureuse, ici ? Puis-je faire quelque chose pour toi ?
La jeune fille ouvrit de grands yeux ronds.
— Pourquoi cette question, Maîtresse ? Vous n’êtes pas
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