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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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prêts à écrire dans les moindres détails tout
ce qui allait être dit.
    Nekmin dévisagea Neb-Amon et, notant avec
dépit la parfaite assurance de ce dernier, il le quitta du regard pour le
porter, toujours aussi insolent, sur la pharaonne. Celle-ci ne broncha pas. Ils
se défièrent quelques secondes et ce fut le prêtre qui, le premier, dut
détourner les yeux.
    Les témoins avaient pris place sur le bas-côté
gauche du tribunal et les jurés, composés de six hauts fonctionnaires de
Thèbes, leur faisaient face.
    Ceux qui assistaient à l’audience, sympathisants
ou adversaires du plaignant et de la victime, s’alignaient au fond de la salle
sur des bancs en bois de sycomore que la cire à l’huile de palme faisait
reluire.
    — Amenez la coupable ! jeta le
Directeur des Greniers d’Amon qui remplissait la fonction de Premier Greffier.
    Entre deux hommes d’armes, Amenhotep s’avança.
Elle était pâle et sa beauté, agressive en temps ordinaire, se passait de tout
artifice qui eût indisposé le tribunal.
    Ses yeux bruns en amande qui se teintaient d’un
vert de malachite fixaient démesurément Hapouseneb, assis au premier rang des
témoins.
    Elle se tenait droite et fière, mais les yeux
de son époux, lorsqu’ils se fixèrent sur elle avec une indifférence totale,
lurent un tel désarroi intérieur qu’ils ne purent poursuivre longtemps cette
apparente insensibilité et elle vit que sa bouche murmurait une question à
laquelle elle ne pouvait répondre.
    « Pourquoi ? » murmuraient en
silence les lèvres d’Hapouseneb. « Pourquoi ? »
    Elle alla se placer aux côtés d’un petit homme
replet, aux yeux de fouine et à la bouche épaisse, chargé de sa défense.
    — Qu’en ce vingtième jour du deuxième
mois de Périt, que la déesse Maât, celle qui régit notre justice et notre
sagesse nous accompagne et nous aide tout au long de ce procès, récita le
Deuxième Greffier, d’une voix neutre et atone.
    Un silence se fit, né d’une soudaine
pesanteur. Néhésy reprit d’un ton qui releva la tiédeur de l’atmosphère :
    — Les faits sont conformes aux rapports
jusqu’à présent.
    — L’instruction ne fait que commencer,
répliqua Nekmin dans un mauvais sourire.
    Le procureur leva les bras au ciel, mais ne prononça
rien. Puis, comme le silence faisait place à un murmure général, il se reprit
et jeta d’une voix forte où l’on pouvait déjà sentir que la détermination ne
faiblirait pas :
    — Que la lecture de la mise en demeure
soit faite.
    Le Scribe du Tribunal se leva et lut à voix
haute le texte court qui inculpait Amenhotep. Celle-ci avait les yeux baissés
et semblait réfléchir.
    — Que le Scribe Permanent lise le
procès-verbal d’audience et que le plaignant expose sa demande, poursuivit-il.
    Néhésy avait confié l’instruction à ses hommes
de confiance. Depuis, un filet se resserrait sur plusieurs hommes. Avant que la
lecture soit faite, Hatchepsout en connaissait tous les noms. Antef, Nekmin,
Menkeper, Ouser et Mériptah auxquels s’ajoutaient de plus médiocres personnages
comme le nain du temple Memphès et les médecins Mekyet et Seddy.
    Hapouseneb dut réitérer sa plainte. Pour ce
faire, il ne regarda pas son épouse et celle-ci ne releva pas ses yeux.
    — Le tribunal déclare que le demandeur
est entendu. Avez-vous autre chose à ajouter ?
    Hapouseneb hésita.
    — J’insiste sur le fait que dans l’ignorance
la plus complète, je n’inculpe pas ma femme, mais je demande que lumière soit
faite sur le meurtre de ma compagne Méryet qui, après la naissance de l’enfant
qu’elle attendait et dont je suis le père, devait devenir ma Seconde Épouse.
    Un gémissement se fit entendre. Amenhotep
avait levé les yeux sur son mari et le regardait douloureusement. Puis elle
ouvrit la bouche lentement, mais le petit avocat aux yeux d’aigle lui saisit le
bras et l’enjoignit de se taire.
    — Qui vous fait dire que c’est un meurtre ?
    Au banc des témoins, Neb-Amon se leva.
    — Moi, jeta-t-il.
    — Pourquoi ?
    — L’accouchée ne présentait nullement les
symptômes de la violente entérite qui touchait les contaminés de l’épidémie.
    — Tu prétends que c’est un mal de ventre,
ironisa Seddy, le médecin du Palais.
    — Un mal de ventre, oui. Mais pas celui
de l’entérite. Un mal dû à l’absorption lente de bryone.
    — J’affirme que ce n’est pas en palpant
simplement le ventre douloureux d’un

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