L'Ombre du Prince
requérir un diplômé en médecine, sorti fraîchement de la
Maison de Vie du temple de Memphis, là où se trouvait l’établissement le plus
renommé en médecine.
Neb-Amon avait eu recours à une solution qui
correspondait à son idéal. Keptah sortait d’un milieu social assez bas. Fils d’un
médecin de campagne décédé, le jeune homme avait beaucoup appris de son père et
Neb-Amon lui avait enseigné le reste.
Petit, mince, mais solide, Keptah portait la
sagesse sur son visage, un visage si triangulaire que son menton semblait fait
d’une pointe ronde que recouvrait une barbe légère. Ses yeux étaient longs et
verts et Satiah lui trouva un regard étrange, mais quand elle eut exposé son
idée, le jeune homme la considéra autrement.
Ses réserves disparurent et ils se parlèrent
sans méfiance.
— Que va dire ton père si je t’apprends
les rudiments de la médecine ?
— C’est à lui que je me serais adressée s’il
n’avait pas disparu.
— Mais, tu veux soigner les chevaux alors
qu’ici nous soignons les êtres humains.
— Mon beau-père répugne à voir souffrir
les animaux et quand il peut soulager leur mal, il est le premier à le faire
puisque les remèdes sont les mêmes.
Elle regarda par la petite fenêtre de la pièce
qui enfermait la pharmacopée de l’hôpital. À côté, les salles où s’alignaient
les malades étaient silencieuses, à l’exception de quelques gémissements qui,
de temps à autre, arrivaient à ses oreilles. Keptah se butait.
— Neb-Amon, commença-t-il…
Elle le coupa aussitôt. Depuis longtemps, elle
avait trouvé les arguments pour le convaincre.
— Et s’il ne revenait plus ?
soupira-t-elle. Un autre que toi pourrait-il m’enseigner la base des plantes
qui guérissent ? Je ne demande pas d’apprendre la médecine.
Elle s’avança vers lui.
— Je veux simplement pouvoir ôter la
fièvre d’un cheval lorsqu’il est malade ou atténuer ses peurs et ses angoisses
lorsqu’il est paniqué et ne veut plus avancer. Je veux savoir soigner une luxation
ou un jarret démis, soulager un œil enflammé ou une oreille atteinte de gale.
— N’as-tu pas les remèdes directement
chez toi ?
— Tu n’as rien compris, s’entêta-t-elle.
Il sourit.
— Je crois que si. Tu es en train de me
persuader de t’apprendre à préparer les remèdes.
Satiah soupira à nouveau et son visage s’éclaira
d’un sourire charmeur.
— Je veux savoir préparer les pommades
anesthésiques, les poudres purgatives, les collyres, les narcotiques. Je veux
pouvoir diluer, piler, écraser et mélanger les huiles, les poudres, les graines
qui soulagent.
— C’est tout ? fit Keptah ironique.
— C’est tout.
— C’est un bien lourd programme. Il te
faudra du temps.
— J’ai tout le temps qu’il faut.
— Ne veux-tu pas plutôt vivre tranquille
et sereine ?
— J’exècre la tranquillité et le repos.
Et comme je dois attendre le retour du roi, il faut bien que je m’occupe.
Elle redressa son buste. Sa jeune poitrine que
recouvrait un corsage fin fut aussitôt mise en valeur.
— J’ai même une proposition à te faire.
Il eut un sourire ambigu, mais ses yeux trahissaient
un certain intérêt.
— Je peux t’aider en attendant l’époux de
ma mère. Et, quand je saurai préparer les remèdes, je pourrai travailler pour l’hôpital.
Alors, tu disposeras d’un temps plus large pour soigner les malades.
— Cela dépend, fit-il.
— Cela dépend de quoi ?
rétorqua-t-elle gardes.
— De tes compétences.
Elle lui sourit et lui tendit la main.
CHAPITRE XI
Les armées égyptiennes étaient cantonnées aux
portes de Gaza derrière le Sinaï. Depuis le départ, Neb-Amon ne dormait que
quelques heures par jour.
Enfin, il allait voir Thoutmosis. Sennefer l’Héliopolitain,
prêtre-guerrier et chancelier des déserts de Libye, l’avait assuré de cette
entrevue dès que les portes de Gaza seraient atteintes.
Depuis le départ de Thèbes, Nedjar et lui
étaient sous étroite surveillance. Pas une seconde, on ne les laissait seuls. C’était
à peine s’ils pouvaient l’un et l’autre s’écarter du camp pour vider leurs vessies
et soulager leurs intestins.
Enrôlés dans les fantassins dont la
surveillance était sous la direction rigide et autoritaire de Sennefer,
Neb-Amon et son serviteur Nedjar marchaient jour et nuit, s’arrêtant quand le
bataillon avait l’ordre de se reposer avant de reprendre
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