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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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répondit pas et, allongeant les bras à
l’horizontale, elle sautilla quelques secondes sur la pointe de ses pieds.
Puis, prenant son équilibre sur une seule jambe, elle éjecta son corps tout
entier dans un envol d’oiseau migrateur, comme si du fleuve où elle se
trouvait, elle voulait rejoindre les océans les plus profonds.
    Hapouseneb tourna la tête pour suivre des yeux
cette subite envolée. En deux enjambées, la jeune fille avait attrapé le petit
tambourin qui gisait à terre. Elle revint devant le Grand Prêtre et se prosterna
devant lui.
    Puis, se redressant tel un ressort abandonné à
lui-même, elle se courba en arrière, toucha le sol de la tête et, de son pied
agile, lança le petit tambourin d’une main qu’elle venait de libérer.
    Elle l’agita et en fit tinter les grelots. Ils
avaient un son cristallin, descendant, remontant, s’allongeant comme les
petites voix aiguës des chanteurs aveugles du temple. Puis, sans qu’Hapouseneb
s’y attende, elle se releva d’un bond et vint se piquer droite devant lui.
    — Que me fais-tu là ? jeta-t-il d’un
ton amusé. C’est de la danse profane !
    Elle se mit subitement à rougir.
    — Je croyais que cela vous plairait,
murmura-t-elle.
    Elle redéposa son tambourin sur le sol et
parut contrariée.
    — Je plaisantais, fit le Grand Prêtre,
plus joyeux encore. Et, tu es tombée dans le piège. Allons, cela me change un
peu de te voir danser sur des airs qui fêtent la fraîcheur de nos marais et la
plénitude ocrée de nos déserts.
    Il se baissa et attrapa le tambourin.
    — Tiens, danse pour moi seul.
    Comme elle ne bougeait pas, il reprit :
    — Ce que tu dansais sur les places de
Memphis lorsque tu étais fillette.
    — Je quémandais, murmura-t-elle.
    — Tu ne quémandes plus, à présent.
    — Non, Maître. J’ai tout ce que je veux.
    — Est-ce assez ?
    Elle rougit encore.
    — Tu ne réponds pas.
    — Je préfère danser.
    Il s’approcha d’elle et lui saisit la main.
Méryet baissa les yeux, mais se laissa faire.
    « Dieu ! soupira le Grand Prêtre, si
ce corps onctueux inspire les dieux, il me provoque bien davantage. Que dois-je
faire pour que mes yeux ne la regardent plus et pour que les siens se
détournent des miens ? »
    Hapouseneb eut un vertige. Jamais encore, il n’avait
désiré son épouse Amenhotep comme il convoitait le corps souple et ondulant que
lui offrait Méryet.
    Hapouseneb eut un geste de désespoir. Son
épouse l’étouffait, le happait, le suçait, le broyait, le traquait comme au
premier jour de leur rencontre où, très vite, elle l’avait enfermé dans le
filet du mariage pour ne plus qu’il se rétracte. Certes, aimante, fidèle,
irréprochable, elle n’avait aucun défaut apparent.
    Depuis la mort de son père, Thouty le riche et
puissant constructeur des bateaux de la flotte royale, la jeune femme restait
souvent avec sa mère anéantie, prostrée, ne pouvant réagir devant la disparition
de l’être qu’elle avait aimé le plus au monde.
    Or, depuis une semaine qu’Hapouseneb était
seul, il ne rêvait qu’à Méryet. Cet instant-là, il l’avait tant de fois imaginé
qu’il se trouvait, aujourd’hui, comme un enfant pris au piège.
    Il lâcha sa main et caressa son front. Puis,
là sur ses cheveux, il détacha le lien qui enserrait la tresse dorée et vit,
aussitôt, une masse sombre crouler sur les épaules de la jeune fille.
    Méryet hésita quelques instants. Ses joues s’empourprèrent
davantage. Mais le Grand Prêtre n’y fit aucune attention et la serra
soudainement contre lui.
    Troublée, elle le repoussa sans violence.
    — Je préfère danser pour toi, Grand
Prêtre.
    Et, de sa voix grave, elle entama une longue
mélopée où il était question d’un souffle sec, violent et brûlant qui ravageait
le désert arabique.
    Face au Grand Prêtre qui la fixait de ses yeux
interrogateurs, elle dansa jusqu’à ce que les torches qui brûlaient à la porte
du temple s’éteignissent. Enfin lasse, elle s’arrêta, observa quelques instants
Hapouseneb, saisit son petit tambourin et disparut.
     
    *
    * *
     
    Séchât se prosterna devant la reine.
    Hatchepsout fit quelques pas en avant, puis tendit
les bras à sa compagne.
    — Relève-toi, Séchât. Tu sais bien qu’entre
nous aucun protocole n’a jamais effleuré nos entretiens.
    Elle saisit chaleureusement les mains de la
jeune femme qui, pour la circonstance, avait revêtu son long pagne blanc

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