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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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meurtrier.
    Un tourbillon plus violent que les autres les
fit tomber. Ils se relevèrent, les yeux piquants, la bouche emplie de
poussière, la gorge brûlante, mais un grondement arrêta net leurs mouvements.
    — On dirait un rugissement de lion. Voilà
pourquoi l’antilope fuyait.
    Thoutmosis se mit à réfléchir. En un autre
lieu, il aurait aimé courir ce risque. En d’autres circonstances, il aurait
aussi apprécié l’acte qu’il s’apprêtait à accomplir. Tuer un lion ! Mais
sa jeune compagne semblait si terrorisée qu’il perdait ses moyens. Pire encore
lorsqu’il pensait au mince couteau qui pendait à sa ceinture. Si un fauve
devait les attaquer, son arme légère, bien qu’elle fût longue et effilée, ne
les sauverait guère.
    Subitement une rougeur envahit son visage, non
pas celle due au fouettement intense du vent contre sa joue, mais une honte à
subir s’il arrivait un malheur à sa jeune compagne.
    Soudain, une lueur roussâtre les entoura. Une
brûlure s’engouffra dans leur gorge et ils restèrent anéantis, les yeux
déchirés, le nez obstrué. Ne pouvant plus avancer, ils se couchèrent à terre.
    Où était donc la sérénité du ciel d’Égypte ?
Une nuée d’oiseaux, de mouches et de curieux insectes bloquait leur marche,
heurtant violemment leur dos qu’ils offraient à cette marée dévastatrice. Les
sauterelles !
    Protéger leurs visages devint leur volonté première.
Ils se couchèrent à plat ventre, tentant d’obstruer le passage entre eux et la
nuée d’insectes. Mais ils avalaient du sable à gros bouillons et perdaient la
respiration. Les sauterelles les attaquaient par milliers.
    Quand ils levaient un peu le visage, ils le
replongeaient aussitôt dans le sol, craignant d’avoir les yeux crevés, le nez
déchiré, les oreilles arrachées.
    Quand ce déferlement brutal s’arrêta, le vent
reprit de sa violence et souleva une autre lame de sable. Thoutmosis agrippa le
bras de Satiah.
    — Il faut marcher. Sinon, il va nous
recouvrir.
    — Marcher où, murmura la jeune fille. J’ai
perdu de vue cet abri et nous ne reconnaissons plus rien. Nous avons même perdu
le sens de l’orientation.
    Le rugissement qu’ils avaient entendu avant l’arrivée
des sauterelles leur arriva en plein visage et Satiah trembla de peur.
    — Le lion ! Qu’allons-nous faire,
Thouty ? Le lion !
    — Ne crains rien, j’ai un couteau et je
sais m’en servir, affirma le jeune homme en essuyant son visage du sable qui le
recouvrait.
    Hélas, lorsqu’ils passaient rageusement la
main sur leur peau pour se débarrasser de tout ce qui s’y collait, sable,
poussière, feuilles mortes et desséchées, ailes brisées de sauterelles, ils ne
faisaient qu’alourdir sur leurs corps la pesanteur de ces débris minéraux,
végétaux et animaux.
    — Ne crains rien, Satiah ! Je sais
mater ces fauves, assura Thoutmosis en tâtant son couteau.
    Bien dérisoire défense ! Mais le courage
du jeune homme lui faisait entrevoir d’autres conquêtes, mille et une victoires
et celle-ci faisait partie de ses rêves de gloire et de puissance.
    Un second torrent aride et brûlant les submergea.
La vague rousse déferla à nouveau sur eux.
    En force, les sauterelles réapparaissaient. Comment
expliquer leur présence subite ? La pluie tombée dans les vallées, si rare
en Égypte, avait peut-être fait éclore des milliers d’œufs minuscules destinés
à mourir avant de voir le jour. Et, poussés par le vent, ces œufs naissaient
partout où ils tombaient.
    Cela cognait leur tête, leurs jambes, leurs
bras, leur corps entier. Un coup sec heurta l’œil de Satiah. Elle saisit l’objet
du choc et écrasa entre ses doigts la sauterelle effarouchée.
    — Thouty ! cria-t-elle. Je sens que
je vais mourir. Ces insectes vont nous anéantir.
    Elles étaient de petite taille, rose tacheté
de noir, sans doute à peine écloses, elles déferlaient dans un bruit
insoutenable.
    Plus forte et plus puissante que l’invasion précédente,
celle-ci fut de plus courte durée. Quand tout redevint calme, un souffle
au-dessus de leur nuque attira leur attention. À nouveau couchés sur le sable,
les deux jeunes gens n’osaient pourtant plus se relever. Mais l’haleine chaude et
humide persistait. Un fauve était près d’eux.
    À travers le tourbillon de poussière, Thoutmosis
saisit son couteau.
    — Non, attends ! cria Satiah.
    Un museau tiède frottait sa cuisse. Elle
agrippa la crinière de la

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