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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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ambulants.
À chaque articulation de leurs corps, les os étaient si saillants qu’ils
offraient la vision de pointes prêtes à transpercer la peau. Leurs yeux n’étaient
plus que des cavités profondes où l’on discernait à peine une parcelle de
lumière.
    — Nous voulons du pain ! s’écria
celle qui devait être la doyenne du groupe en se précipitant sur Pénith.
    Le médecin la repoussa. Mais les autres s’enhardirent
et s’avancèrent à pas nerveux, heurtant au passage Mékyet qui trébucha et
faillit tomber. Bientôt la horde furieuse les encercla tous deux.
    — Ne restez pas là ! vociféra Pénith
dans un élan qui le propulsa hors de l’étreinte infernale des femmes. Les
gardes vont vous saisir et vous rejeter au-dehors. Le palais vous est interdit.
    — C’est ce que nous allons voir !
hurla la plus petite du groupe dont les seins dénudés pendaient comme deux
figues sèches. Crois-tu nous faire peur avec tes menaces ?
    Soudain, une flèche fusa dans l’espace et se
ficha dans le sol, à deux pas de leurs pieds décharnés. Une autre griffa le
bras amaigri d’une femme qui resta sans voix. Mais la pauvre femme ne devait
plus rien avoir dans les veines, car la blessure ne saigna pas. Enfin, une
troisième flèche vint siffler au-dessus de la tête d’une adolescente. Sans
doute la plus jeune du groupe, car ses yeux n’avaient pas encore pris cette
teinte vitreuse qu’on remarquait dans ceux des autres.
    Un instant, Pénith faillit lui dire de se
détacher du groupe et de s’avancer, mais un tel traitement de faveur risquait
de tourner au drame. L’adolescente avait un pagne gris et poussiéreux. Sa poitrine
n’était pas encore formée et les deux aréoles sombres qui entouraient ses
jeunes mamelons ne ressemblaient nullement à des taches de contamination. Elle
fixa son regard sur celui de Pénith. Il eut à nouveau un geste bienveillant,
leva la main puis, impuissant, la rabaissa aussitôt.
    — Vous voyez bien que les gardes vous surveillent,
vociféra Mékyet en observant les pointes des flèches plantées dans le sol non
loin des femmes qui, passé leur étonnement, avaient repris leur assurance.
Retournez dans la ville. Nous allons vous faire apporter des aliments.
    — Tu ne nous apporteras rien et nous le
savons ! hurla à son tour lune des femmes. Tous les greniers de Thèbes sont
vides. Il n’y a plus que ceux du palais.
    — Alors tu peux nous interdire de rester,
rétorqua une autre qui vint se placer près de sa compagne. Nous ne bougerons
pas d’ici avant d’avoir mangé.
    Soudain, l’exclamation que poussèrent les deux
médecins fut à l’unisson. Les yeux agrandis d’effroi, ils regardaient s’avancer
la meute d’hommes armés de bâtons et de gourdins s’approcher. Mékyet recula de
rage et Pénith, voyant qu’il n’y avait aucune autre alternative, l’imita.
    — Les gredines ! jura-t-il. Elles
leur ont ouvert le passage. Je crains qu’ils ne soient trop nombreux pour que
nous puissions faire autre chose que leur lancer flèches et autres projectiles.
    — Gardes ! cria Mékyet. Gardes !
Saisissez-vous de cette foule.
    Mais les gardes n’apparaissaient pas. Cachés
dans les failles du mur ou dissimulés derrière les ventaux des portes
secondaires, ils se faisaient attendre. Il fallut que Mékyet les menaçât de
faire deux tours de garde supplémentaires à l’extérieur du mur d’enceinte pour
qu’il vît, au loin, deux soldats remuer les bras.
    — Que dit-il ? fît Pénith.
    Mais les médecins n’eurent plus à se poser la
question. Ce fut un déferlement brutal qui s’ensuivit. Tous les survivants de
Thèbes étaient là pour quémander un bout de pain ou quelque chose d’autre à se mettre
sous la dent. Ils n’en pouvaient plus de gratter la terre et de ne rien y
trouver, de racler le Nil asséché et de ne rien y voir. Ils avançaient en
traînant leurs pauvres membres atrophiés par la maigreur. Certains criaient et
le son de leurs plaintes parvenait en écho aux oreilles des médecins.
     
    *
    * *
     
    Pendant ce temps, Seddy osa s’aventurer sur
les bords du Nil. Aux alentours de Thèbes, tout était désolation. Le plus petit
bosquet s’élevait comme un avorton qui, à peine sorti de terre, était déjà calciné
par le soleil.
    S’il n’avait eu son bateau amarré près du port
où Néfermenkh, le fils de son frère dont il s’était occupé dans la mesure de
ses possibilités, devait se trouver depuis

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