Londres, 1200
suis désolé, mais je n’ai pu faire
mieux ! ironisa Guilhem.
— Personne n’aurait pu faire mieux, seigneur
de Lamaguère ! le rassura Amiel. Le roi ne croyait d’ailleurs pas que vous
y parviendriez !
— Moi non plus ! Mais vous n’avez pas
dit quand Philippe sera de retour.
— Dans la semaine, certainement. Mercredi ou
jeudi. Où logez-vous ?
— À la Corne de Fer, avec Robert de Locksley.
— Le comte de Huntington est avec vous ?
— Oui, avec sa femme.
— Sa Majesté vous recevra dès qu’elle
arrivera, soyez-en sûrs. J’irai moi-même vous chercher…
Il déglutit et parut embarrassé :
— Pourrais-je voir le testament…
— Bien sûr ! Je le garde toujours
par-devers moi. Mais je le remettrai uniquement au roi.
Il dénoua plusieurs aiguillettes de son gambison
de cuir et sortit la fine sacoche serrée contre sa chemise en blanchet. Il
l’ouvrit et en tira le parchemin plié qu’il tendit à Châteauneuf.
— Qu’a-t-il été décidé dans ce traité ?
demanda à nouveau Furnais sans cacher son inquiétude. Met-il en cause les
droits du duc de Bretagne ?
— Oui et non, répondit évasivement Amiel en
parcourant le testament.
Il grimaça quand il l’eut terminé.
— Quel dommage que vous n’ayez pu être là il
y a dix jours ! Tout aurait été différent !
— Que dit ce traité ? répéta Furnais,
plus sèchement.
— Je vous l’ai dit, il est très avantageux
pour le roi, mais s’il avait eu le testament, il aurait pu obtenir bien
plus ! Philippe de France avait besoin de la paix, surtout à cause de
l’interdit, mais Jean plus encore que lui, aussi notre roi a-t-il obtenu de
larges concessions. Le traité nous dorme définitivement Évreux, avec tous ses
fiefs et domaines, ainsi que le Berry, mais surtout il affirme la subordination
vassalique des rois d’Angleterre. Jean a enfin rendu hommage et a payé un droit
de relief considérable. Pour la première fois, les Plantagenêts ont reconnu la
suzeraineté du roi de France !
— Mais l’Anjou et la Bretagne ?
— En contrepartie, Philippe a dû renoncer à
ses droits sur la Bretagne.
— Quoi ? s’étouffa Furnais.
— Jean est reconnu duc de Normandie et
d’Aquitaine, comte d’Angers et de Poitiers, mais il donne à Louis de France,
pour son mariage avec la fille du roi de Castille, sa nièce, le fief d’Issoudun
et vingt mille marcs.
— C’est impossible ! Pas la
Bretagne ! Cela signifie que l’Anjou et la Touraine reviennent à
Jean ! Tous ceux qui ont suivi Arthur sont perdus ! se lamenta
Furnais.
— Rassurez-vous, cela ne changera rien !
Jean a reçu Arthur en homme lige et a consenti ce que ce soit lui qui lui cède
la Bretagne. Il accepte l’hommage des fidèles à Arthur. De la même façon, Jean
a reçu l’hommage du comte d’Angoulême et du vicomte de Limoges et leur laisse
leurs droits. Le traité prévoit que Jean ne peut rien retrancher des droits de
ses fiefs sans un jugement légitime.
— Mais Jean n’a jamais respecté sa
parole ! s’écria rageusement Furnais.
— Jean a juré devant ses barons d’observer de
bonne foi et sans malice toutes ces conventions. Il y a eu un échange d’otages
des deux côtés. Malgré tout, vous avez raison d’être méfiant, aussi ce
testament permettra à notre roi de faire respecter sa parole au roi
d’Angleterre, et même d’obtenir bien plus de lui, plus tard.
Furnais comprit qu’il ne servirait à rien de
s’insurger plus avant, et il resta silencieux pendant que Guilhem reprenait le
testament qu’il rangea dans la sacoche.
Quand ils se séparèrent, Amiel leur répéta qu’il
viendrait les chercher dès que Philippe Auguste serait arrivé.
Chapitre 36
D e
retour à la Corne de Fer, Guilhem se rendit dans la chambre de Locksley à qui
il raconta sa visite au Palais, puis ils descendirent ensemble pour le souper.
Avant de se mettre à table, Guilhem se rendit aux latrines, dans la cour de
l’auberge.
C’est là que quelqu’un le rejoignit pour lui
apprendre une nouvelle à laquelle il ne s’attendait pas. Mais devait-il la
croire ?
Ils s’installèrent dans la salle basse de
l’hôtellerie, à la table la plus éloignée de l’entrée et de l’escalier qui
conduisait aux chambres.
L’aubergiste avait demandé à la cuisinière de se
surpasser et leur fit servir deux potages, l’un de chapons et l’autre
d’écrevisses, avec du pain trempé dans du lait
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