L'or de Poséidon
aucun commentaire désagréable à propos de la toge qui avait appartenu à Festus, et j’en avais conclu qu’il la trouvait convenable.
— Je me peigne seulement pour l’empereur ou pour les très très jolies femmes.
— Par tous les dieux, qu’est-ce que j’ai élevé là ?
— Précisément, tu ne m’as pas élevé. Mais de toute façon, je ne suis pas le genre de garçon qui cherche à s’attirer les bonnes grâces de gens qui font défoncer les côtes de son père !
— Ne fais pas d’histoires, ou nous n’arriverons nulle part !
— Je sais me conduire, rétorquai-je sur un ton qui laissait deviner que je ne mettrais peut-être pas cette connaissance en pratique.
— Si quelqu’un qui porte une tunique de couleur avec sa toge savait se conduire, ça se saurait depuis longtemps !
Apparemment, P’a n’aimait pas l’indigo.
Nous étions passés devant la statue d’un sénateur qui ne devait pas faire partie de leurs ancêtres, puisque nos hôtes n’appartenaient qu’à la classe moyenne. Et dans l’atrium, j’avais remarqué des bustes d’empereurs claudiens dont les traits juvéniles contrastaient avec le visage buriné de Vespasien qui régnait aujourd’hui sur Rome. Une collection beaucoup plus importante se trouvait au-delà de l’atrium, dans un jardin entouré d’un péristyle. En mars, les massifs présentaient un aspect assez dépouillé, mais l’art des jardiniers n’en était pas moins visible. Il y avait partout des cupidons ailés, des dauphins, le dieu Pan, l’inévitable Priape (au complet, pas comme celui de mon père), plus un grossier Silène étalé sur le dos avec une fontaine giclant de son outre à vin. Je ne remarquai aucun chef-d’œuvre dans cet assemblage quelque peu hétéroclite et, amoureux des plantes, je trouvai plus d’intérêt à admirer les crocus et les jacinthes qui enjolivaient le jardin.
Mon père, dont ce n’était pas la première visite, me conduisit alors d’une main ferme jusqu’à la galerie. Et là, malgré moi, un sentiment d’envie commença à se faire jour en moi.
Nous avions traversé plusieurs pièces bien tenues, au décor assez neutre. Elles contenaient peu de meubles, d’une très bonne facture, et quelques très beaux bronzes disposés sur des socles. L’entrée de la galerie n’était pas gardée par un, mais par deux monstres marins gigantesques chevauchés par des Néréides.
Nous passâmes entre les deux pour franchir un portail majestueux, dont les deux énormes battants de bois exotique étaient lourdement cloutés de bronze. Je pense qu’ils restaient ouverts en permanence, car dix esclaves n’auraient pas suffi à les pousser. J’eus l’impression que le chambranle d’albâtre était aussi haut que mon appartement du sixième étage.
Nous fûmes accueillis par un gigantesque Gaulois vaincu en porphyre rouge. Tout le monde devrait en avoir un chez soi, avec l’escabeau assorti pour faire la poussière. Derrière, s’alignait leur collection de Grecs célèbres – assez prévisible : Homère, Euripide, Sophocle, Démosthène, un beau Périclès barbu et Solon, le réformateur. Un important groupe de danseuses anonymes leur faisait suite, puis un superbe Alexandre, à l’air noblement triste. (Il était pourtant doté d’une chevelure superbe qui aurait dû suffire à lui remonter le moral.) Ces collectionneurs, qui avaient une prédilection visible pour le marbre, n’en avaient pas moins intercalé quelques excellents bronzes : porteurs de lances, athlètes, lutteurs, auriges. Puis nous découvrîmes un Éros ailé à l’air abattu. Une maîtresse qui ne devait pas être contente de ses services s’en prenait violemment à lui.
En face, se dressait un pâle Dionysos contemplant son éternel raisin. Le dieu du vin était jeune et beau, mais son expression indiquait qu’il était conscient des problèmes qu’il allait avoir avec son foie s’il continuait sur sa lancée.
Ensuite, venait un assemblage de pures merveilles : l’Abondance et la Fortune, la Victoire et la Vertu, un Minotaure sur un socle, des Grâces particulièrement gracieuses, des Muses songeuses. Il y avait même, je m’en avisai tout de suite, une superbe reproduction de l’une des Caryatides de l’Érechthéion d’Athènes. S’ils avaient eu suffisamment de place, ils n’auraient vraisemblablement pas hésité à reconstituer tout le Parthénon.
Les dieux de l’Olympe, comme le réclamait leur statut,
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