L'or de Poséidon
fait aujourd’hui, il aurait été crucifié ou envoyé dans l’arène. Aucun juge n’aurait pris une autre décision.
— Et moi, j’ai manqué prendre sa place, rappelai-je sombrement.
— Non ! Il n’aurait pas pu l’accepter. Sa loyauté envers ta famille était bien trop forte. Il n’avait jamais oublié ce que ton frère avait fait pour lui. Il était désespéré en apprenant que tu avais été arrêté. Il était sûr que tu parviendrais à te disculper, et il souhaitait en même temps que tu ne découvres pas sa propre culpabilité.
— Ce pauvre homme ne semble pas avoir eu beaucoup de chance dans la vie, soupira Helena.
— Après ce qu’on lui avait fait subir à Alexandrie, son existence tranquille ici a été une révélation pour lui. Voilà pourquoi il a perdu la tête à l’idée de devoir l’abandonner.
— Tout de même, dit Helena, aller jusqu’à assassiner quelqu’un !
Ce fut Apollonius qui reprit la parole :
— Pour vous, cette caupona représente sans doute un endroit sordide. Mais ici, personne ne le fouettait ni ne le soumettait à des sévices bien pires. Il avait un toit au-dessus de la tête, mangeait et buvait à volonté. Le travail était facile, et les clients s’adressaient à lui comme à un être humain. Il avait même un chat pour ami – et moi à la porte, qu’il pouvait regarder de haut. Dans son petit monde, Epimandos avait retrouvé une position sociale et une certaine dignité. Plus la paix intérieure.
Venant d’un homme vêtu de haillons, cet émouvant discours fendait le cœur. Personne ne trouva rien à ajouter. Au bout d’un moment, je demandai à Petronius :
— Quelle est ta théorie au sujet du couteau ?
Helena Justina me jeta un rapide coup d’œil. Petro, l’expression impénétrable, répondit :
— Epimandos a menti quand il a dit qu’il ne l’avait jamais vu. Au contraire, il a dû l’utiliser bien souvent. En fait, j’ai fini par apprendre comment ce couteau était arrivé dans la caupona, admit-il à ma plus grande surprise.
— Comment ?
— Ne t’inquiète pas de ça. (Il voyait que j’avais l’intention d’insister et paraissait soudain embarrassé.) L’arme du crime ne pose plus de problème, Falco !
— D’après ma théorie, c’est mon père qui l’a emporté de la maison, dis-je posément.
Petro laissa échapper un juron inaudible.
— Exactement ! confirma-t-il. Je sais que c’est lui. Je ne voulais pas t’en parler, car il t’arrive d’être tellement susceptible sur certains sujets…
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Rien. (Il essayait de me cacher quelque chose, ce qui était ridicule. Nous avions trouvé le coupable, mais c’était pour plonger dans un autre mystère.) Écoute, Falco, je suis certain que ce couteau se trouvait dans la cuisine de la caupona depuis l’ouverture, il y a une dizaine d’années.
Il paraissait de plus en plus mal à l’aise.
— Comment peux-tu le savoir ?
— J’ai tout simplement interrogé la propriétaire.
— Flora ?
— Oui, Flora, dit Petronius comme si ça expliquait tout.
— J’étais persuadé que Flora n’existait pas.
— Flora existe, affirma-t-il en se levant pour quitter le Valérien.
— Comment cette Flora a-t-elle récupéré le couteau si c’est mon père qui l’avait, insistai-je ?
— Laisse tomber, conseilla mon ami. C’est moi qui mène cette enquête, et je suis entièrement satisfait des explications qui m’ont été fournies.
— J’ai tout de même le droit de savoir comment ce couteau est arrivé chez Flora, non ?
— Tu n’as pas à t’en soucier, si le problème n’existe plus pour moi.
— Va te faire voir, Petro ! C’est tout de même cet engin de malheur qui a failli me faire condamner.
— Un hasard malheureux ! jugea-t-il. Ça peut arriver.
Petronius Longus se montrait parfois plus entêté qu’un âne. Les fonctions officielles montent souvent à la tête de ceux qui les occupent. Je ne me gênai pas pour lui exprimer ma façon de penser en termes choisis. Il n’en fut nullement impressionné.
— Il faut que je m’en aille, Falco. Je dois prévenir la propriétaire que son serveur est mort, et il n’y a personne pour surveiller la caupona. La foule qui se trouve à l’extérieur n’attend que le moment propice pour fracturer un volet, saccager les lieux et boire le vin.
— Nous allons attendre qu’elle ait le temps d’envoyer un
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