L'or de Poséidon
journée. Puis mes pensées se mirent à vagabonder beaucoup plus loin, à travers mon enfance et mon adolescence. J’essayais d’analyser dans le détail toutes les raisons du fiasco qui m’avait amené à la situation présente.
Jusqu’ici, j’avais réussi à établir que mon frère, l’entrepreneur infatigable, s’était probablement assuré la complicité de centurions pour dévaliser la banque de la Quinzième légion ; qu’il avait peut-être acheté une statue aussi ancienne que rare ; et que son navire avait coulé.
Je n’avais pas établi, mais je suspectais fortement, que l’agent employé par Festus avait disparu avec la statue avant le naufrage du bateau. Dans ce cas, je pourrais peut-être retrouver l’agent et gagner un peu d’argent moi-même avec le Phidias.
Mais peut-être que l’agent n’avait rien à voir là-dedans.
Et peut-être que le bateau n’avait pas coulé.
Puis, une éventualité encore plus déplaisante m’effleura l’esprit : peut-être que le navire n’avait jamais coulé et que Festus ne l’ignorait pas. Il pouvait avoir menti au sujet de l’Hypericon pour vendre la marchandise en douce et mettre la main sur tout l’argent. Dans ce cas-là, mon rôle devenait impossible. Je ne pouvais plus gagner d’argent avec le Phidias, ni rembourser les légionnaires, ni blanchir la réputation de mon frère, comme ma mère m’avait demandé de le faire.
Tout ce que j’avais appris était sujet à caution. J’étais néanmoins certain d’avoir à enquêter sur la pire des combines. Auparavant, Festus avait toujours réussi à s’en sortir, à la façon d’une guêpe avançant au bord d’un pot de miel. Mais cette fois, j’avais bien peur qu’il ait perdu l’équilibre et qu’il se soit englué.
Helena se redressa pour m’observer.
— À quoi penses-tu, Marcus ?
— Au bon vieux temps, qui n’a peut-être jamais été aussi bon qu’on le prétend plus tard.
— Mais encore ?
— J’ai bien peur que tu te sois alliée avec une famille assez peu respectable.
Helena s’esclaffa. Nous étions de si proches amis, tous les deux, que je pouvais lui confier l’impensable.
— Je suis en train de me demander si mon frère le héros n’a pas plutôt terminé ses jours dans la peau d’un voleur.
Helena ne parut ni surprise ni choquée. Elle me passa une main sur le front en attendant que je continue.
— Comment vais-je pouvoir annoncer ça à ma mère ?
— Il faudrait d’abord en être sûr. Commence par rassembler des preuves !
— Jamais je ne trouverai le courage de lui apprendre un truc pareil.
— Qui sait si elle ne le sait pas déjà, suggéra Helena. Elle veut peut-être simplement que tu tires les faits au clair.
— Non, elle m’a demandé de blanchir la réputation de Festus. D’un autre côté, ajoutai-je en essayant de me convaincre moi-même, cette histoire prend l’apparence d’un scandale, et les apparences sont souvent trompeuses.
Plutôt que faire un commentaire, Helena essaya de changer de sujet. Souhaitant mettre un terme à mon introspection, elle me demanda de lui raconter ce que j’avais fait avant de venir chez Marponius. Je lui décrivis la vente aux enchères houleuse, puis lui racontai ce que j’avais appris de mon père au sujet de la dernière opération de Festus, sans oublier de mentionner le Poséidon de Phidias. Je terminai mon récit par l’arrivée de ce morveux de Gaius qui m’avait mis au courant de son arrestation.
— J’ai tout de suite abandonné mon père dans son bureau, comme un vieux dieu des mers échoué dans une grotte au milieu de ses épaves.
— En fait, il est un peu comme toi, déclara-t-elle. Il aime se cacher aux yeux du monde. Toi, tu as choisi un sixième étage sur le mont Aventin.
— Ça n’a rien à voir !
— Tu n’aimes pas que les gens viennent t’y rendre visite.
— Les gens n’apportent que des ennuis.
— Même moi ? me taquina-t-elle.
— Non, pas toi, dis-je en faisant la grimace. Pas même aujourd’hui.
— Peut-être ton frère avait-il aussi un endroit bien à lui quelque part ? dit-elle soudain.
Une chose était certaine : je n’en avais jamais entendu parler. Cependant, derrière son air ouvert et son attitude joyeuse, Festus avait dissimulé de nombreux secrets. Il habitait officiellement avec notre mère, mais rien ne l’empêchait d’avoir aussi sa propre tanière. Jupiter seul savait ce qui m’y attendait, si
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