L'or de Poséidon
fenêtres carrées aux vitres fragiles battues par des bourrasques de vent. Le châssis de l’une d’elles, quelque peu disjoint, produisait des vibrations énervantes. Des esclaves courtaudes, aux cheveux coupés droits, allaient et venaient sans arrêt. Je me trouvais là, menacé d’exil – ou bien pis ! – tandis que ces inconscientes emportaient les bols vides et allumaient les lampes comme si de rien n’était. Helena posa sa main sur la mienne. Elle était glacée.
Marponius procédait dans les règles de l’art.
— Petronius Longus, as-tu montré ce couteau à la mère de Didius Falco.
— Oui. Elle a admis que c’était le sien, mais elle prétend l’avoir perdu il y a une bonne vingtaine d’années.
— Comment peut-elle en être si sûre ?
— À cause de la pointe tordue. (Le calme apparent avec lequel Petro répondait aux questions du juge ne faisait que me déprimer davantage.) Elle se rappelle l’avoir coincé dans une porte de placard quand ses enfants étaient encore petits.
— Peut-elle expliquer pourquoi il se trouvait à la caupona ?
— Absolument pas.
— Dis-nous comment il a été découvert.
Le visage impassible, Petro fit son rapport avec la plus grande neutralité :
— J’avais donné l’ordre d’enlever le corps de Censorinus dans l’après-midi. Plus tard, je me suis rendu chez Flora pour y poursuivre mes investigations. J’ai vu Helena Justina en train de parler au serveur au pied de l’escalier qui va de la cuisine aux chambres.
— Je m’en souviens, intervint Marponius plein de suffisance.
— En m’entendant, Helena s’est retournée vers moi et a paru découvrir ce couteau sur le plan de travail. Elle l’a pris en main. Tous les deux, nous avons souvent partagé des repas chez la mère de Falco et nous l’avons reconnu, surtout à cause des initiales. Helena n’a fait aucune tentative pour le cacher. Au contraire, elle me l’a tendu immédiatement. Comme vous pouvez tous le constater, il a été lavé, mais est resté maculé de taches rougeâtres à la jonction de la lame et du manche.
— Et tu supposes que ce sont des traces de sang ? demanda le juge.
— J’en ai peur.
— Quelle est ta propre version des faits ?
Petro finit par dire d’une voix extrêmement lente :
— J’ai interrogé le serveur à propos de ce couteau. Sans lui dire d’où il venait. Il m’a assuré ne l’avoir jamais vu. Il ne faisait pas partie de ceux qu’il utilise chez Flora.
— S’agit-il de l’arme avec laquelle le centurion Censorinus a été assassiné ?
Petronius hésita avant de répondre, puis le fit avec une répugnance manifeste :
— C’est possible, si le serveur dit la vérité. Le tueur peut avoir apporté son arme à la caupona. En redescendant, une fois son forfait accompli, il a pu laver le couteau dans un des baquets d’eau qui sont dans la cuisine, puis le jeter au milieu des autres.
— Vous êtes donc à la recherche d’un assassin intelligent, commentai-je sèchement. C’était l’endroit idéal pour cacher l’arme du crime. Dommage qu’on l’ait reconnue !
Dévorée par l’angoisse, Helena murmura d’une voix désespérée :
— Je suis désolée, Marcus. Je l’ai aperçu, et je l’ai ramassé sans réfléchir.
— Arrête de te culpabiliser, dis-je en haussant les épaules. Ce n’est pas moi qui l’ai caché là.
— Tu ne peux pas prouver que ce n’est pas toi, trancha le juge.
— Et toi, tu ne peux pas prouver que c’est moi !
Helena s’adressa alors à Marponius sur un ton véhément :
— Es-tu sûr que le serveur dit vrai à propos du couteau ?
— Epimandos se montre toujours très évasif, précisai-je.
Marponius ne parvint pas à dissimuler sa contrariété. Il n’ignorait pas que produire un esclave devant le tribunal ferait mauvais effet. (Et si, comme j’en étais persuadé, Epimandos était un esclave évadé, ce serait bien pire.)
Petronius abonda dans mon sens :
— Il règne toujours la plus grande pagaille dans sa cuisine. Il laisse tout traîner. Il est toujours dans la lune et pas du tout soigné. Sans compter qu’après la découverte du cadavre, il est devenu complètement hystérique. Il était incapable de remarquer quoi que ce soit.
Je lui étais reconnaissant de son aide. Et je tentai d’enfoncer le clou :
— Petronius, personne ne peut être sûr que ce couteau soit l’arme du crime. Tout le monde sait que l’hygiène
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