L'Orient à feu et à sang
dire, vers votre palais.
Ballista hocha la tête d’un air sérieux, comme s’il prenait conscience qu’il était le Dux Ripæ et que le palais était le sien. Au moins, ils progressaient un peu.
— Il marchait vers le nord, entre la muraille et les quatre greniers de l’est. Bien sûr, avec le couvre-feu, il n’aurait jamais dû se trouver là. Mais il y a toujours des soldats ou leurs esclaves qui traînent la nuit. Il était vêtu comme un soldat – tunique, pantalon, bottes, baudrier – mais il m’intriguait. Pourquoi un soldat aurait-il été de repos cette nuit-là entre toutes ? Et puis, quelque chose dans son allure n’allait pas. Maintenant, je me rends compte que c’était sa barbe et ses cheveux. Ils étaient bien trop longs. Aucun centurion n’aurait laissé passer cela, même pas dans une unité auxiliaire. Impossible de se faire une idée maintenant, pas dans l’état où il est.
Le jeune homme frissonna.
— Et puis, il se comportait de manière étrange. Il avait une grosse jarre à la main, il la tenait loin du corps, comme si elle contenait quelque chose de précieux et qu’il avait peur d’en renverser une goutte. Dans l’autre main, il tenait une lanterne opaque, encore une fois anormalement loin du corps.
— Excellent sens de l’observation, optio.
— Merci, Dominus.
Le jeune homme était lancé désormais.
— Lorsque je me suis approché de lui, il a tourné entre les premier et deuxième greniers. Je lui ai dit de s’arrêter mais il m’a ignoré. J’ai donné l’alerte. Je me suis lancé à sa poursuite et j’ai crié aux légionnaires de garde à l’autre bout qu’un ennemi était dans l’allée et qu’ils lui coupent la route.
Le jeune optio s’interrompit, comme s’il attendait des questions. Ballista ne lui en posa pas. Il continua.
— Lorsque j’ai tourné dans l’allée, je ne l’ai pas vu. Piso et Fonteius bloquaient l’autre bout, mais il n’était nulle part en vue. Je savais qu’il devait se cacher dans l’un des renfoncements formés par les gros étais des greniers.
« C’est dans un de ces recoins que Bagoas a été tabassé », pensa Ballista.
— Comme il était acculé, j’ai pensé qu’il pourrait se montrer dangereux. J’ai donc appelé Scaurus qui se trouvait de mon côté. Nous avons dégainé nos épées et commencé à remonter l’allée prudemment.
Ballista hocha la tête pour indiquer que c’était là une initiative à la fois sage et courageuse.
— Il faisait très sombre et nous marchions lentement, en nous gardant à droite et à gauche de peur d’être attaqués. Tout à coup, on a entendu un bruit de bois brisé et j’ai été aveuglé par une violente lumière, deux renfoncements plus bas. Il y a eu comme un grand souffle et on a senti une odeur horrible. On s’est précipités. Piso et Fonteius couraient vers nous, à l’autre bout. On est tous arrivés en même temps. Je ne l’oublierai jamais. Jamais.
Il s’arrêta de parler.
— Optio ?
— Pardon, Dominus. C’était affreux. J’espère que je ne reverrai jamais une chose pareille.
— Continue, s’il te plaît.
— Ce salaud était en train de se faufiler par la bouche de ventilation au pied du mur. Je ne sais pas s’il est resté coincé ou si c’est la douleur qui l’a arrêté, mais il se tortillait dans tous les sens quand on est arrivés. Il se tordait et il hurlait. Il avait dû casser les lattes de bois avec son épée, s’asperger du naphte dans la jarre et, avec la lanterne, se mettre le feu. Ensuite, il a essayé de passer par l’ouverture. Une torche humaine. Ça sentait… Ça sentait le cochon grillé.
— Qu’est-ce que vous avez fait ?
— Il y avait des flammes partout. Le naphte avait mis le feu à ce qui restait de la bouche de ventilation, les flammes léchaient le mur de brique. Même la terre autour de lui brûlait. Dieu des Enfers ! Il faisait une chaleur ! Le feu allait se propager, passer par l’ouverture et sous le plancher. Tout le grenier allait s’embraser. C’est Scaurus qui a su quoi faire. Il a pris sa pelle militaire, l’a plantée dans la cuisse du pauvre bougre et l’a tiré au milieu de l’allée où on l’a laissé. On a jeté de la terre sur les flammes jusqu’à ce que tout soit éteint.
Le jeune optio mena Ballista dans l’allée et lui présenta les légionnaires Scaurus, Piso et Fonteius. Le Dux les félicita tous, particulièrement Scaurus, lequel avait
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