L'Orient à feu et à sang
nombreux boucliers. Les deux vaisseaux goths mesuraient chacun environ les deux tiers de la longueur du Concordia, mais avec leurs rameurs disposés sur un seul niveau, ils étaient beaucoup plus bas sur l’eau.
— À en juger par leur longueur, il doit bien y avoir cinquante de ces bâtards dans chacun d’eux, dit le capitaine. Mais tout cela n’a aucun secret pour vous, j’imagine.
Ballista ignora l’allusion narquoise à ses origines barbares. Il en savait beaucoup en effet sur ces pirates. C’était des Borani, un peuple germanique appartenant à cette vaste confédération connue sous le nom de Goths. Tous les pirates goths dans ces eaux étaient des Borani. Ces dernières années, un nombre croissant d’entre eux avaient quitté les innombrables ports et criques de la mer Noire, passé le Bosphore avant de se mettre à piller les côtes et les îles de la mer Égée. Ces deux navires avaient pris une position stratégique sur une route maritime très empruntée entre les îlots Diabetai et l’île de Symi.
— Permission de dégager le pont, Dominus ?
— Permission accordée, mais nul besoin de relayer chaque ordre. Tu es le capitaine de ce navire. Mon garde du corps et moi-même allons renforcer ton infanterie de marine ; nous nous mettrons à la disposition de ton optio, ton second.
— Merci, Dominus. (Le capitaine se détourna puis fit volte -face.) Pourriez-vous ordonner au plus grand nombre possible de vos hommes de s’entasser dans votre cabine sous le pont et aux autres de s’abriter sous l’auvent de poupe ?
Demetrius avait surgi de nulle part. Tandis qu’il donnait les instructions, Ballista remarqua que le garçon était terrifié.
— Demetrius, peux-tu t’assurer que les hommes restent calmes ?
Le jeune homme sembla se ressaisir, ragaillardi par la confiance qu’on plaçait en lui.
— Équipage du pont principal, amenez la grand-voile, dégagez le mât de son étambrai et arrimez le tout solidement. Équipage du pont avant, faites la même chose avec le beaupré, hurla le capitaine.
Sur un navire de guerre, on aurait débarqué les mâts pour le combat, mais le capitaine ne pouvait se permettre de les jeter par-dessus bord dès qu’un navire pirate était en vue.
Lorsque Ballista eut atteint la poupe, Maximus apparut, leur équipement de combat en main, se frayant un passage dans le flot des hommes gagnant les ponts inférieurs. Ballista passa son baudrier par-dessus sa tête, détacha son ceinturon et les posa tous deux sur sa curule. Il s’agenouilla et leva les bras pour permettre à Maximus de l’aider à enfiler sa cotte de mailles. Il la sentait peser sur ses épaules lorsqu’il se releva. Il serra son cingulum , faisant blouser la cotte de mailles pour soulager ses épaules de son poids, renfila son baudrier et attacha l’épaisse bande d’étoffe sur le cou de la cotte de mailles. Puis il enfila son casque de guerre, ses doigts gourds peinant à en attacher les lacets sous son menton. Ballista se montrait toujours maladroit avant la bataille, mais il savait que sa peur s’envolerait lorsque le combat commencerait. Il ramassa son bouclier, un cercle de planches solidement jointes de trois pieds de diamètre recouvert de cuir et d’une plaque de métal renflée, et vit que Maximus avait presque fini d’enfiler sa propre cotte de mailles, se tortillant comme « un saumon remontant le courant », comme aurait dit l’Hibernien lui-même.
— Fantassins de marine, armez-vous. Dégagez les haches et les piques d’abordage.
Les ordres fusaient de la bouche du capitaine.
— Servants des scorpions [31] , retirez les bâches, vérifiez les ressorts et les rondelles. Un tir d’essai.
Ballista et Maximus étaient maintenant tous deux armés.
— Une autre étape sur la longue route de Muirtagh, dit Ballista.
— Que les dieux étendent leurs mains sur nous, répondit Maximus.
À ces mots, les deux hommes sourirent et se donnèrent une bourrade amicale. Comme toujours, Maximus prit place à la droite de Ballista, lequel, sans en avoir pleinement conscience, sacrifia au rituel silencieux qui précédait chacune de ses batailles : main droite sur la dague sur sa hanche droite, la tirer d’un ou deux pouces hors de sa gaine, puis la remettre en place ; main gauche sur le fourreau de son épée, dégager la lame d’un ou deux pouces, puis la remettre en place ; pour finir, toucher de la main droite l’amulette en pierre attachée au
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