Louis Napoléon le Grand
du Foreign Office, sera militairement, psychologiquement, politiquement, un succès. C'est la France qui a mené le jeu : les massacres sont interrompus. Le sultan a dû, en outre, admettre que, désormais, le gouverneur du Liban serait obligatoirement choisi parmi les Ottomans de confession chrétienne.
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Ces succès, ces avancées, ou du moins cette présence affirmée aux quatre coins du monde en viennent peut-être à indisposer les puissances. Toujours est-il qu'avant même le face-à-face final avec la Prusse, la France paraît décidément trop seule pour que l'évolution du Vieux Continent puisse s'effectuer selon ses vues. L'échec de la proposition, formulée en 1863, de tenir un congrès général sur l'Europe à l'occasion des graves événements de Pologne, marque un tournant décisif: si Louis Napoléon a pu jusqu'ici, tant bien que mal, imposer certaines de ses idées dans les Balkans, puis en Italie, il est désormais clair que l'Europe ne veut pas aller plus loin.
Les traités de 1815 sont porteurs d'injustices et de dangers, dont le cas de la Pologne est l'illustration la plus tragique. Si, à Vienne, on a consenti à lui reconnaître une identité de principe — elle est un royaume... dont le roi est le tsar —, ses emballements de 1830 ont eu pour conséquence de balayer ce timide statut.
Dès 1861, des manifestations pacifiques se développent dans le pays avec les encouragements du clergé. Elles sont sévèrement réprimées par les Russes. La tension est à son comble en 1862 avec la décision des autorités d'occupation d'imposer la conscription obligatoire : des centaines de milliers de Polonais entrent alors en révolte ouverte.
S'il y a échec de la France, il ne sera pas dû à une quelconque maladresse de Louis Napoléon. Celui-ci est évidemment de tout coeur avec les Polonais — traditions familiale et bonapartiste obligent — et brûle de leur être utile. Pour une fois, il pourrait bénéficier d'un réel consensus dans le pays, même si les mobiles des uns et des autres sont différents. A gauche, on est spontanément solidaire d'une nationalité opprimée et, en 1867, on le fera encore savoir bruyamment au tsar, en visite à l'Exposition universelle. Du côté de la droite catholique, c'est la communauté de religion qui prévaut.
Pourtant, Louis Napoléon sait qu'il serait insensé de se lancer dans une aventure militaire, dont on discerne mal quelles pourraient être les modalités et qui se situerait, de surcroît, dans un contexte diplomatique difficile. Si l'Angleterre est bien décidée à manifester son mécontentement, la Prusse, elle, fait cyniquement cause commune avec le tsar — lugubre prélude au pacte germanosoviétique de 1939.
En dépit des pressions dont il est l'objet, malgré son sincère désir d'aboutir, un jour, à l'indépendance de la Pologne, Louis Napoléon va s'efforcer de calmer le jeu. Déjà, en avril 1861, dans une note publiée par le Moniteur, il avait tenté de contenir les élans de son opinion publique, et marqué sa préférence pour une solution négociée. Ses propos envers le tsar étaient rien moins qu'inamicaux :
« Les événements de Varsovie ont été unanimement appréciés par la Presse française avec les sentiments de sympathie traditionnelle que la Pologne a toujours éveillés dans l'occident de l'Europe. Cependant, ces témoignages d'intérêt serviraient mal la cause à laquelle ils s'adressent, s'ils avaient pour effet d'égarerl'opinion publique en laissant supposer que le Gouvernement de l'Empereur encourage des espérances qu'il ne pourrait satisfaire. Les idées généreuses dont l'Empereur Alexandre n'a cessé de se montrer animé depuis son avènement sont un gage certain de son désir de réaliser les améliorations que comporte l'état de la Pologne, et il faut faire des voeux pour qu'il n'en soit pas empêché par des manifestations de nature à mettre les intérêts politiques de l'Empire russe en antagonisme avec les dispositions de son souverain. »
Cela n'avait pas contribué à détendre l'atmosphère. Dès lors, le 4 novembre 1863, il décide de jouer son va-tout et propose qu'un congrès général se saisisse du dossier polonais et l'élargisse à l'ensemble des problèmes européens. En effet, explique-t-il, « presque sur tous les points, les traités de Vienne sont détruits, modifiés, méconnus ou menacés ». Or, « les perfectionnements amenés par la civilisation qui a lié les peuples
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