Louis Napoléon le Grand
depuis longtemps en France, des capacités d'initiative immenses n'attendaient pour s'exprimer qu'une occasion propice. Encore fallait-il fournir cette occasion à tous ceux que les incertitudes du temps inclinaient à l'apathie. L'appréhension des lendemains, née de périodes successives de troubles, suffisait à expliquer la réticence des investisseurs et, pour engager la France sur la voie du développement économique, il fallait commencer par lui donner la stabilité.
Louis Napoléon, et lui seul, apporta l'apaisement et le sentiment de sécurité. Il faut lui en reconnaître le mérite. Et saluer comme il convient son premier bulletin de victoire présenté — il n'avait pas fallu attendre longtemps — à l'ouverture de la session législative de 1853: « La richesse nationale s'est élevée à un tel point que la partie de la fortune mobilière s'est accrue à elle seule de deux milliards environ. L'activité du travail s'est développée dans toutes les industries. »
Dans le climat favorable ainsi créé, la réussite impliquait assurément une heureuse conjoncture mais celle-ci n'aurait pas été suffisante sans l'action de l'État. Certes, il existe peu de gouvernements aussi enclins que celui-ci à faire appel à l'initiative privée; comme il n'en est probablement aucun à manifester autant de volontarisme, sans d'ailleurs jamais sombrer dans l'interventionnisme.
Quelle modernité dans la méthode alors retenue! Une méthode qu'on semble redécouvrir aujourd'hui, après tant de fâcheux errements. Louis Napoléon s'en est déjà expliqué: le gouvernement doit être « le moteur bienfaisant de tout l'organisme social ». L'État définit le cadre général, fixe l'objectif, donne l'impulsion, organise ce qui relève de lui, et pour le reste se borne à influencer, orienter, stimuler et corriger le cas échéant. Car c'est à l'initiative privée qu'il s'en remet pour tout ce qu'il y a à accomplir, veillant seulement à éviter les déviances et les égarements.
Combien est significatif que, pendant ces années de changements intensifs, où le rythme des travaux publics connaît une accélération sans précédent, les dépenses de l'État et, du coup, la pression fiscale restent, tout compte fait, rapportées à la croissance générale, dans les limites du raisonnable. Seul, parfois, le recours à des crédits extrabudgétaires donne une impression de surchauffe. Mais le phénomène reste limité.
Encore fallait-il organiser l'évolution de manière rationnelle. Or, précisément, ce qui frappe tout au long de cette période, c'est la cohérence qu'on impose à l'effort général, et qui lui fait gagner en efficacité. Cohérence mûrement réfléchie: elle était inscrite dans le discours de Bordeaux, et va se traduire quotidiennement dans les faits.
Après avoir créé les conditions de la confiance, Louis Napoléon, le rénovateur, entend donner à la France les moyens financiers de son ambition: c'est la révolution du crédit, qui met l'argent au service du développement. Ce développement suppose des soubassements immatériels et matériels. Soubassements immatériels du côté de l'enseignement, qui doit désormais fournir à la machine économique, à tous les niveaux, des hommes efficaces et compétents : on s'attache donc à les former plus et mieux. Soubassements matériels aussi, car les infrastructures adaptées aux nouveaux besoins font gravement défaut : c'est vers elles qu'il faut par priorité orienter l'argent. Enfin, si l'on veut nourrir son activité et stimuler son progrès, le pays doit s'ouvrir sur le monde et en finir avec un protectionnisme dépassé.
Pour Louis Napoléon, cependant, le développement économique n'est pas une fin en soi; il est au service des hommes. L'accroissement de l'activité, certes, crée des emplois et des revenus mais ne peut profiter à tous qu'à condition de surveiller larépartition des ressources. Il faut donc améliorer la vie, en changeant son cadre, et, par une politique sociale hardie, chercher à effacer les inégalités en commençant par les plus criantes, avec en point de mire, cette société nouvelle dont l'Extinction du paupérisme esquissait le dessin.
Quel programme! Louis Napoléon ne pouvait le réaliser totalement. Il a pu faire une bonne partie du chemin ; en tout cas, il n'a jamais dévié de sa route.
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Chacun s'accorde, à juste titre, à considérer que la révolution économique accomplie par le second
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