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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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manifester leur opposition.
    Il n'en reste pas moins qu'en 1870 la France va se trouver dans le domaine des lois et pratiques sociales largement en avance sur les autres nations de son temps, avance qu'elle va malheureusement très vite reperdre. La brièveté de l'expérience constitue l'une des explications du dédain dans lequel est tenue la politique sociale de l'Empire.
    Ollivier, au treizième volume de ses Mémoires s'indignaitainsi que cette oeuvre soit restée aussi méconnue et dénigrée: « Avoir poursuivi d'une haine féroce jusqu'à l'assassinat le seul Souverain dont la préoccupation principale ait été d'améliorer la situation matérielle et morale des masses et de les affranchir de leurs servitudes traditionnelles, le seul qui, malgré les terreurs de ses conseillers, ait accordé aux travailleurs des droits refusés par la Révolution elle-même et relevé leur dignité en donnant à leur parole une autorité égale à celle des patrons ; avoir méconnu le créateur des sociétés de secours mutuel ; le protecteur du droit de coalition, le restaurateur du suffrage universel mutilé; avoir préféré à l'ami couronné qui servait le peuple de tout coeur les bourgeois opportunistes qui s'en servaient sans cesse, cela restera, à l'heure de la véritable histoire, une des pages les plus laides des annales de la démocratie française. Ce jugement sera rendu plus sévère encore par la longanimité avec laquelle l'Empereur, méconnu, menacé dans son trône et dans sa vie par la plus noire ingratitude, continua son dévouement à ceux qui le déchiraient. Que de fois ne m'a-t-il pas dit dans nos conversations intimes: "Tâchez donc de me proposer quelque chose dans l'intérêt du peuple". »
    Concrètement, la politique conduite s'articule en deux volets que la logique, mais non la chronologie, conduit à distinguer l'un de l'autre.
    Premier volet, la politique « paternaliste ». Souvent financée par des prélèvements sur la liste civile, voire sur la cassette personnelle, elle est la traduction de sentiments de compassion envers les petites gens. Le but de Louis Napoléon a toujours été de mettre le développement économique à leur service. Il y est d'autant plus résolu que, d'après lui, la consommation ouvrière a son rôle à jouer dans la croissance; et ne s'est-il pas écrié: « Nous ne produisons pas trop, mais nous ne consommons pas assez! » Néanmoins, il sait bien que tout cela prendra du temps: des initiatives immédiates sont donc nécessaires pour anticiper les effets du développement ou pour en corriger les plus pervers. A cet égard, son imagination est débordante; l'amélioration du sort des ouvriers est chez lui une véritable obsession, qui trouve souvent des points d'application tout à fait inattendus.
    Une de ses premières décisions consiste à créer — aux frais de l'État — un corps d'aumôniers dispensant gratuitement les dernières prières, car la pensée qu'un pauvre puisse être enterré sansle secours de la religion lui paraît intolérable. Il charge le chimiste Mège-Mouriès de fabriquer une matière grasse susceptible de remplacer, à moindre prix, le beurre; ce sera l'invention de la margarine. Il entreprend lui-même, ne laissant ce soin à personne d'autre, de mettre au point un poêle à combustion lente et à consommation réduite destiné aux plus pauvres.
    L'idée des « restaurants du coeur », ou de quelque chose d'approchant, lui vient à l'esprit, plus d'un siècle avant Coluche. Le préfet de la Seine recevra ainsi de lui, en 1856, 100 000 francs pour installer des « fourneaux économiques », lesquels, en l'espace d'un mois, distribueront, d'après André Castelot, jusqu'à 1 244 656 rations.
    Il imagine une caisse de compensation pour réduire les variations du prix du pain. Il ouvre les asiles de Vincennes et du Vésinet, pour soigner les ouvriers malades; il lance successivement une société de charité maternelle pour les femmes, l'orphelinat du Prince Impérial, et la société du Prince Impérial, conçue pour fournir des crédits aux ouvriers dans le besoin en vue de l'acquisition d'outils. Il réforme les bureaux de placement. Il crée un service de soins à domicile dont l'exposé des motifs du décret impérial de 1855 instituant les asiles nationaux explique fort bien la raison d'être : « L'industrie a ses blessés, comme la guerre. Le chantier, l'atelier, qui, pour l'ouvrier, sont le vrai champ d'honneur, le renvoient

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