Louis Napoléon le Grand
quand ils ont suscité un Manifeste des Quatre-Vingts en réponse au Manifeste des Soixante...
Les conditions d'accession au pouvoir de Louis Napoléon avaient introduit comme un coin entre les républicains et la classe ouvrière, ce que reconnaissait Jules Favre en répondant en ces termes aux appels qui lui parvenaient de divers milieux populaires : « C'est vous, Messieurs les ouvriers, qui seuls avez fait l'Empire ; à vous de le renverser seuls ! » La dimension sociale de la politique impériale, prenant la gauche à revers, faisait naturellement de l'empereur le défenseur des opprimés.
Mais Louis Napoléon ne pouvait, dans l'isolement relatif qui était le sien, empêcher l'évolution inéluctable de l'Internationale qui, sous l'influence des idées de Marx, se dirigeait vers l'action révolutionnaire et le renversement de tous les trônes, y compris le sien. Pourtant, il faut bien se garder de considérer comme la marque de son échec la vague de grèves qui se produisit en 1869 et 1870. N'oublions pas qu'en Alsace on criait alors, et à la fois, « A bas les patrons, vive l'Empereur », que les mineurs de Carmaux, en achevant leur mouvement, acclamèrent le nom de Louis Napoléon, et que l'immense majorité des mineurs qui avaient fait grève au cours de l'hiver 1869 vota pour l'empereur au plébiscite de 1870.
C'est dire que les efforts de Louis Napoléon ont sans doute remué quelque chose au plus profond des masses. Cet ébranlement est d'autant plus intéressant à observer que, dans son désir sincère d'émanciper les ouvriers, Louis Napoléon avait recherché et trouvé une voie originale et personnelle, écartant le socialisme et rendant crédible le message d'un libéralisme tempéré, corrigé et ouvert au progrès social.
On peut toujours mettre en cause l'impartialité d'Émile Ollivier, lorsqu'il nous livre ce témoignage: selon lui, l'action personnelle du souverain permit « l'amélioration du sort matériel, intellectuel et moral du plus grand nombre par l'assistance, le travail assuré, la législation, plus et mieux que la liberté parlementaire ne l'aurait fait ».
Mais pour quelles raisons rejetterait-on le jugement formulé en 1877 par Jules Amigues, autre communard, dans la brochure qu'il rédigea sur l'Empereur et les Ouvriers : « Quiconque est de bonne foi, quiconque se rappelle ce qu'était, il y a trente ans, la condition des ouvriers des champs et de la ville et ce qu'elle était devenue à la fin de l'Empire, ne peut nier que l'Empereur n'ait accompli une véritable révolution économique au profit des travailleurs. »
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Louis Napoléon ne s'intéressa pas seulement au niveau de vie des Français, il s'intéressa à leur cadre de vie. Illustration la plus spectaculaire de son action, exemple donné au reste du pays, la transformation de Paris dont il va s'occuper personnellement. Il donnera l'impulsion politique, présidera à la conception généralede l'opération, suivra jour après jour les étapes de la réalisation, surveillera, activera, houspillera, balayera un à un tous les obstacles.
Afin de manifester à tous son engagement, de se donner le moyen de tout contrôler, et de ne perdre aucun détail de l'objectif immense qu'il s'est fixé, Louis Napoléon fait installer et conservera en permanence dans son bureau un plan de la capitale où sont dessinés les rues, les avenues, les places et les squares en projet.
Il y a bien des raisons à cette implication totale de l'empereur dans l'entreprise. La première est d'ordre psychologique. Louis Napoléon est un homme concret. Les affaires de l'État, qui se présentent souvent à lui sous la forme de dossiers abstraits, ne lui apportent pas que des satisfactions, d'autant que l'expérience s'est chargée de lui apprendre la distance qui sépare l'ordre donné des conditions de son exécution. En revanche la transformation de Paris est un immense chantier qui se déroule sous ses yeux. Il peut voir, toucher, mesurer les progrès réalisés jour après jour, sachant qu'il en est le plus haut responsable.
Le souci de prestige n'est sûrement pas absent. Louis Napoléon veut une capitale à l'échelle de la gloire et du rayonnement qu'il espère pour la France. Il souhaite que Paris devienne la métropole de l'Europe et, pourquoi pas, la plus belle ville du monde.
Il y a aussi une volonté de cohérence. En faisant de Paris le coeur du réseau ferroviaire, le parti a été pris d'accroître la fonction de
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