Louis Napoléon le Grand
considérant la chose non seulement sur le plan local mais encore sur le plan national, résolut-il de s'intéresser à l'avenir de la station ». Et de fait, il s'en occupa fort activement. A bien des égards, certains de ses séjours ultérieurs allaient ressembler aux visites d'un architecte sur ses chantiers : il traça de nouvelles voies, lança des opérations de captage de sources, décida la construction d'un nouvel établissement thermal et l'agencement d'un grand parc, aida à la création d'une nouvelle église en même temps qu'il faisait transformer le quartier haut de la ville. Entre 1856 et 1865, le coût total des travaux atteint 6 millions de francs-or; l'investissement se révéla rentable : pendant la même période, le nombre des curistes allait quadrupler.
Mais il n'y en eut pas que pour les stations thermales ou touristiques. En fait, comme l'écrit Louis Girard, « il serait difficile de trouver une ville de quelque importance qui ne doive quelque chose à l'urbanisme du second Empire ».
L'exemple de Paris est décidement contagieux, bien que nulle part ailleurs les travaux d'aménagement n'aboutirent à des modifications aussi radicales. Certes, la modernisation de la capitale aurait été accomplie tôt ou tard. Cependant, comme nous le dit Adrien Dansette, « c'est le mérite de Napoléon III, précurseur desurbanistes contemporains, d'en avoir conçu la nécessité, de l'avoir entreprise et presque achevée en moins de vingt ans ».
Il est vrai que la situation de Paris, au début du second Empire, n'a vraiment rien d'enviable et appelle de grandes transformations. Avec son million d'habitants, la ville a gardé tout son pittoresque, comme vont bientôt le découvrir et le ressasser les adversaires des transformations: ses rues tortueuses, étroites, sales, mal éclairées ne manquent pas de charme. Et le fait que souvent, dans les mêmes rues des mêmes quartiers, les hôtels les plus luxueux jouxtent les taudis les plus sordides présente bien des avantages. Il n'en demeure pas moins qu'on en est resté dans la plupart des artères à l'éclairage à l'huile et que le gaz n'est utilisé que dans les quartiers les plus bourgeois. Ce sont les porteurs d'eau auvergnats qui ravitaillent la majeure partie des appartements, ceux qui ne disposent pas de l'eau à l'étage. En réalité, le Paris de l'époque est toujours celui de la Révolution.
C'est à un préfet de choc, énergique, intelligent, imaginatif, audacieux, gros travailleur, et peu soucieux de précautions administratives, qu'est revenu, chacun le sait, le soin de mettre en oeuvre la volonté de Louis Napoléon.
Georges Haussmann a été déniché par Persigny, qui a su comprendre — et convaincre l'empereur — que l'homme avait toutes les qualités et tous les défauts nécessaires pour mener à bien cette mission importante. Persigny a lui-même expliqué et justifié son choix, de fort belle manière:
« Pour lutter, me disais-je, contre les idées, les préjugés de toute une école économique, contre des gens rusés, sceptiques, sortis la plupart des coulisses de la Bourse ou de la Basoche, peu scrupuleux sur les moyens, voilà l'homme tout trouvé. Là où le gentilhomme de l'esprit le plus élevé, le plus habile, du caractère le plus droit, le plus noble, échouerait infailliblement, ce vigoureux athlète, à l'échine robuste, à l'encolure grossière, plein d'audace et d'habileté, capable d'opposer les expédients aux expédients, les embûches aux embûches, réussira certainement.
« Je jouissais à l'avance à l'idée de jeter cet animal de race féline à grande taille au milieu de la troupe de renards et de loups ameutés contre toutes les aspirations généreuses de l'Empire. Je lui dis de suite et ouvertement pour quel poste et à quelle condition j'avais l'intention de le proposer à l'Empereur. Assurément, il était homme à comprendre aussi bien que personne legrand côté de l'opération et à en surmonter les difficultés, comme il l'a bien montré, mais à la vue, à l'odeur de l'appât, sans hésiter, il se jeta dessus avec fureur. »
De fait, Haussmann sera l'exécutant fidèle et dévoué de l'empereur, toujours prêt à répondre à ses fébriles exigences. Il attirera sur lui toutes les critiques, ayant décidé une fois pour toutes que la fin justifiait les moyens. Après tout, ne l'a-t-on pas appelé pour remplacer le préfet Berger parce que, précisément, celui-ci paraissait trop
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