Louis Napoléon le Grand
anglais perplexes devant tant de chambardements, l'un d'eux s'écriant : « C'est singulier, l 'Illustrated London News ne nous a rien dit de ce tremblement de terre. »
Ce séisme, les Parisiens l'apprécient d'ailleurs d'autant moins qu'il est permanent et semble n'avoir pas de fin prévisible. Vivre dans le Paris de l'époque n'est pas toujours chose facile. Circonstance aggravante: une fois les travaux terminés, beaucoup d'anciens occupants sont en quelque sorte interdits de retour, et doivent, de gré ou de force, s'orienter vers de nouveaux arrondissements. Ainsi s'explique l'accueil plus que mitigé qu'on réserve à ces transformations.
Le souvenir du vieux Paris, insalubre, mais si « poétique » donne lieu à de nostalgiques évocations. Par exemple, dans le Journal des Goncourt, à la date du 18 novembre 1860, on lit ceci : « Je suis étranger à ce qui vient, à ce qui est, comme à ces boulevards nouveaux sans tournants, sans aventures et perspectives, implacables de ligne droite, qui ne sentent plus le monde de Balzac, qui font penser à quelque Babylone de l'avenir. »
Le travail à accomplir est pourtant nécessaire. Il s'agit d'abord de donner de nouvelles limites et une nouvelle organisation administrative à la ville. Celle-ci est alors limitée par les boulevards extérieurs où se trouvent les murs d'octroi; Belleville, Vaugirard, Grenelle, Breteuil, Montmartre sont encore des villages : ils seront tous annexés. Dès 1860, les douze arrondissements d'origine sont redessinés et complétés : leur nombre passe à vingt ; l'opération donne à la capitale son aire actuelle et fait plus que doubler sa superficie. Paris est alors en mesure d'accueillir physiquement plus de trois millions et demi d'habitants.
Haussmann l'expliquera en 1870: « Les travaux et percements exécutés dans l'ensemble de la ville ont précisément pour but de diminuer la densité de la population des anciens arrondissements et de rendre accessibles et, partant, habitables, tous les points de territoires annexés qui forment les arrondissements nouveaux. »
Louis Napoléon aurait souhaité aller plus loin et compléter Paris par l'ensemble du département de la Seine, soit huit arrondissements supplémentaires. C'était assez bien vu, car dans le schéma adopté, l'anarchie des banlieues, aux désordres de laquelle on voulait remédier, avait toutes les chances de se trouverseulement reportée au-delà des nouvelles limites. Mais les patrons concernés, dont les usines auraient été désormais incluses dans la zone de l'octroi, s'y opposèrent formellement. Et le projet dut être abandonné.
Cela dit, il ne fallait pas seulement agrandir. Il fallait décongestionner. Il fallait embellir.
Il fallait aussi assainir : si cette partie de l'effort n'était pas la plus spectaculaire, elle n'était pas la moins indispensable. Un vaste réseau d'égouts est donc créé, complété par un système d'irrigation et de drainage autorisant toutes les adductions utiles, système complexe et cohérent dont la mise en place fera reculer de manière décisive les épidémies.
De considérables travaux de voirie, incorporant la distribution du gaz, sont entrepris en vue d'améliorer la circulation. Un schéma rationnel est conçu tenant compte des accès routiers, fluviaux et surtout ferroviaires. S'ajoutant à de majestueux boulevards vont s'ouvrir de larges avenues, des rues spacieuses, bordées d'arbres et disposées en rayons à partir de vastes carrefours.
Sur la base de travaux et de projets antérieurs — la rue de Rivoli ayant été percée sous le premier Empire jusqu'à la hauteur du Palais-Royal - on a retenu l'idée d'articuler le schéma général autour de l'intersection de deux grands axes, à réaliser presque de bout en bout: l'un reliant la (future) Nation à l'Étoile, par le faubourg Saint-Antoine, la rue de Rivoli et les Champs-Élysées; l'autre joignant la gare de l'Est à l'Observatoire, par le boulevard de Strasbourg, le boulevard Sébastopol, le boulevard du Palais et le boulevard Saint-Michel. Ces axes restent le fondement de l'organisation urbaine contemporaine.
Se raccorderont, directement ou indirectement, à cette structure cruciforme le boulevard Malesherbes, assurant une pénétration vers la place de la Concorde, une transversale allant de la place du Trône au bois de Boulogne et commençant par l'avenue Daumesnil et le boulevard Diderot, ainsi que les dessertes des quatre grandes gares —
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