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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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sans doute éprouvé et fatigué, et prétendument découragé et désillusionné, s'il connaîtra des échecs comme celui de la loi militaire — mais à part lui-même, qui en voulait? —, mènera finalement le navire à bon port en réussissant cette gageure de réaliser son programme de libéralisation, tout en se retrouvant, en 1870, plus fort que jamais.
    Sur l'influence de Rouher, Ollivier se méprend. Rouher n'est qu'en apparence le vice-empereur que l'on a décrit. Il ne se substitue en aucune manière à Louis Napoléon. En fait, celui-ci l'utilise pour lever, l'une après l'autre, toutes les hypothèques. C'est le plus grand service qu'aura rendu cet homme, qui peut en inscrire à son actif beaucoup d'autres aussi nombreux que considérables.
    Ministre chargé de la parole, avocat de l'ensemble des ministres, il tient le Corps législatif comme personne. Sa connaissance magistrale des dossiers et la précision de son éloquence lui permettent de regrouper les majorités incertaines, en usant à la fois auprès des députés de la menace et de la séduction. Il défend tout, même l'indéfendable, et reste donc indispensable. Après la mort de Billault, il devient le véritable chef du gouvernement.
    Profitant de son dévouement et de sa fidélité sans faille, Louis Napoléon joue avec lui un jeu subtil, en le contraignant à défendre une politique qui manifestement n'a pas sa faveur — car il est tout entier acquis à l'esprit de 1852 — et en l'usant jusqu'à la corde, pour finalement confier à d'autres la charge de développements ultérieurs que son ministre, à son corps défendant, n'aura pas peu contribué à préparer.
    ***
    Le moment est précisément venu de s'interroger sur les rapports entre l'Empire et la notion de liberté. Il s'agit de sedemander s'il existe effectivement un « Empire libéral » dont l'inspiration serait en contradiction avec ce qui l'a précédé. La question est d'importance : de sa réponse dépend le point de savoir si Louis Napoléon a subi l'évolution des choses ou si cette évolution était inscrite dans son projet initial.
    Revenons donc à cette année 1860, celle où pour les uns tout commence, et où, pour les autres, se dessinent à tout le moins les linéaments de ce qui va s'accomplir. C'est une année qui correspond précisément à l'apparent apogée du régime — même si les difficultés sont en germe. Louis Napoléon a été, l'année précédente, vainqueur en Italie. Il s'est senti assez fort pour amnistier, sans aucune exception, les proscrits du 2-Décembre. Il a jugé possible de prendre la mesure la plus impopulaire qui soit : le traité de commerce avec l'Angleterre. Rien de cela n'est subi. Tout est voulu. Pourquoi en irait-il autrement s'agissant de la politique de libéralisation?
    Cette politique marque-t-elle à proprement parler une rupture ? La réponse à cette question passe par certaines précisions d'ordre sémantique, qu'on empruntera à l'historien Jacques Rougerie qui en quelques lignes de brillante facture, fait clairement apparaître que, dans le domaine des libertés, les libéraux de l'époque et Louis Napoléon ne parlent pas tout à fait le même langage:
    « Il faudrait, nous dit-il, s'entendre sur le sens des mots. Il y a d'un côté les libertés des "Libéraux"; leur libéralisme est un système précis, qui a vécu ses beaux jours sous la Monarchie constitutionnelle, fondé sur le respect des libertés "individuelles", reposant en fait sur la supériorité politique des élites, culminant avec le régime parlementaire. Et il y a de l'autre, dans un registre absolument différent, les libertés napoléoniennes, des échanges, de la grève (voire, si dénaturé qu'il soit, le suffrage universel), libertés non moins essentielles, non moins "nécessaires"; mais elles sont celles précisément que les "Libéraux" ont toujours inébranlablement refusées ; ils ne les connaissent pas, elles ne sont pas de leur monde. »
    Si l'on accepte cette distinction, force est de convenir que Louis Napoléon n'a pas attendu 1860 pour mettre en oeuvre sa propre conception des libertés.
    Le rétablissement, dès 1851, du suffrage universel en est la première illustration... Cela lui a valu aussitôt des réactions dehaine de la part des vaincus du 2 Décembre. Guizot en fut le meilleur interprète, et laissa transparaître du même coup son mépris pour le régime : « On réprime une émeute avec des soldats, on fait une élection

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