Louis Napoléon le Grand
d'union des peuples allemands. Aux postes de commande de la Confédération germanique, la vieille Autriche avait vu sa position — que lui avaient conférée les traités de 1815 — contestée par la Prusse autoritaire et militariste, d'une part, le courant national et libéral, d'autre part. Cette conjonction des extrêmes avait vite été en proie à ses contradictions: en 1848, la révolution voulut offrir au roi de Prusse la couronne d'une petite Allemagne, dont l'Autriche se serait trouvée évincée. Le roi refusa le cadeau car il pensait parvenir au même résultat par une autre méthode, le dispensant de toute concession à l'air du temps. Pourtant, l'« Union restreinte » qu'il tenta par lui-même de constituer autour de son pays dut être dissoute sous la pression autrichienne. La Prusse en éprouva un sentiment d'humiliation. Il était aisé de prévoir qu'un jour ou l'autre viendrait le temps d'une grande explication entre les deux pays.
Cela parut encore plus clair au début des années 1860 quand Guillaume I er puis Bismarck arrivèrent tous deux aux affaires pour constituer le redoutable tandem que l'on sait. Ni l'un ni l'autre ne faisaient mystère de leurs intentions. Le roi estimait que « qui veut gouverner l'Allemagne doit la conquérir ». Quant à son ministre, il avait la conviction que tout cela ne se réglerait pas « par des discours et des révolutions, mais par le fer et le sang ». Et de préciser, au cas où il aurait pu y avoir encore un doute quant à ses projets vis-à-vis de l'Autriche: « Il n'y a pas de place pour deux; il faut que l'un de nous deux plie ou soit plié. »
Les deux hommes en tout cas n'eurent de cesse de réorganiser l'armée. Ils décidèrent l'incorporation de tous les conscrits pour un service de quatre ans. Bismarck ne s'embarrassa d'ailleurs pas de scrupules excessifs: puisque la Chambre des représentants refusait de voter les crédits militaires, il les promulgua quatre fois, par décret.
Le maréchal comte von Moltke avait été placé dès 1857 aux commandes de l'armée. Il y mit en oeuvre avec compétence et efficacité la volonté de son roi et les instructions de son gouvernement. Cet homme à la tête d'oiseau de proie, au nez d'aigle, aux lèvres minces et serrées, au menton décharné, n'est pas un militaire comme les autres. Remarquable organisateur, il sait admirablement utiliser les nouveaux moyens de communication: les chemins de fer, le télégraphe. La guerre contre les Autrichiens sera, de son fait, la première guerre scientifique.
Dans l'immédiat, l'armée prussienne va pouvoir tester sa nouvelle puissance dans un conflit où, ô paradoxe, elle se trouve alliée avec l'Autriche contre le petit Danemark. Il s'agit pour les deux pays de récupérer le Schleswig et le Holstein, d'abord parce que les Allemands y sont majoritaires, et aussi, pour ce qui concerne la Prusse, parce que cela devrait permettre de creuser un canal de la Baltique à la mer du Nord, réalisation particulièrement utile et opportune.
En deux temps et quelques mouvements, le Danemark fut bousculé et se vit imposer, en octobre 1864, à Vienne, un traité de renonciation aux territoires convoités. Malgré tout, les difficultés que souleva le partage des dépouilles entre les deux vainqueurs tendaient à indiquer que leur affrontement n'était que partie remise...
Sur le fond, Louis Napoléon estimait la récupération justifiée. Pour qu'il l'approuvât pleinement, encore eût-il fallu cependant qu'un plébiscite confirmât l'adhésion des populations concernées à leur nouveau sort... Il n'en fut rien, et la France ne manqua pas de rappeler — sans rien faire de plus — qu'en Italie les populations avaient été consultées. Pourtant, comme l'a noté Adrien Dansette, si « cette annexion était dans la logique de la conception allemande du principe des nationalités, fondée sur l'idée de race, elle était inadmissible du point de vue de la conception française fondée sur la volonté populaire ».
Mais on n'en était qu'aux hors-d'oeuvre; le plat de résistanceallait suivre. Or, Louis Napoléon attendait avec intérêt la confrontation de la Prusse et de l'Autriche.
« Croyez-moi, confiait-il à Walewski en 1865, la guerre entre l'Autriche et la Prusse est une de ces éventualités inespérées qui semblent ne devoir se produire jamais, et ce n'est pas à nous de contrarier ces velléités belliqueuses qui réservent à notre politique plus d'un
Weitere Kostenlose Bücher