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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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valu ses longues années de prison. Il éprouve le besoin de reprendre son souffle, comprenant qu'il devra, demain, s'y prendre autrement pour parvenir à ses fins, en cherchant à profiter des circonstances plutôt qu'en s'échinant à les créer, à ses risques et périls.
    Ses propos lénifiants ne serviront pourtant de rien. Il n'obtiendra de passeport ni de la France ni d'aucune puissance, et il sera interdit de séjour en Toscane. C'est en Angleterre qu'il apprendra la mort du roi Louis, survenue le 25 septembre 1846.
    Son père fait de lui son légataire universel, ce qui va lui apporter une somme de 1 200 000 francs, qui est assurément la bienvenue, car, ici et là, il a des pensions à servir. Il a même acheté un cabinet pour le fidèle docteur Conneau.
    Très vite, Louis Napoléon retrouve une place de choix dans la société anglaise, qui semble s'être départie des réactions sarcastiques qui avaient été les siennes après l'affaire de Boulogne.
    Les années de prison ont ébranlé sa santé. Des rhumatismes, une arthrite, des hémorroïdes le font souffrir, et même boiter. Après une cure thermale à Bath, il se rend à Brighton, pour récupérer.
    Bientôt, son cousin, Napoléon Jérôme, le rejoint et, quelques mois durant, va partager sa vie. Ils partagent aussi des maîtresses et, parmi elles, Rachel, qui joue à la fois Phèdre et les égéries. Las de vivre dans des hôtels londoniens, Louis Napoléon s'installe dans le quartier de Saint James, sur King Street. Sa vie mondaine reprend... Il appartient à plusieurs clubs, fréquente Dickens, renoue avec Disraeli, va au théâtre, chasse à courre. On le reçoit partout...
    Mais voilà qu'il « se fixe » : chez lady Blessington, quelquesmois après son retour, il a rencontré une jeune femme de toute beauté, spirituelle, raffinée, qui l'a vite fasciné: Elizabeth Ann Howard., connue plutôt sous son nom de scène d'Harriet Howard.
    Le théâtre a donné à cette fille d'un bottier de Brighton une raison sociale ou, mieux, une couverture. En fait c'est une femme entretenue; entretenue par un officier richissime. Elle a vingt-trois ans et va tomber éperdument amoureuse de Louis Napoléon au point de décider de lui consacrer sa vie. Elle reprend donc sa liberté, tout en conservant la fortune dont son protecteur l'avait dotée, et met l'une et l'autre à la disposition du prétendant dont elle épouse la cause avec le double zèle des néophytes et des amoureuses.

    Désormais, Harriet partage tout avec lui. Et pour faire bonne mesure, elle recueille ses deux bâtards. Louis Napoléon ne semble guère gêné par cette situation équivoque: après tout, c'est pour la bonne cause... Il l'appelle « ma logeuse » ou « ma belle hôtesse », ce qui peut sembler sauver les apparences. En tout cas Harriet est une recrue de choix; si elle n'occupe probablement pas toute la place qu'on a dit dans sa vie sentimentale, elle saura lui apporter une aide inestimable à un moment décisif.
    Lui-même ne se laisse pas aller à l'oisiveté: fréquentant assidûment le British Museum et ses salles de travail, il a repris la rédaction de son Histoire de l'artillerie et celle de son étude sur le projet de canal au Nicaragua... Il se rend régulièrement au Carlton Club où il prend connaissance avec avidité de la presse française.
    C'est là que, le 26 février 1848, il apprend que Paris est en révolution.
    ***
    Nul besoin de rappeler le détail des événements, ni de disserter sur leur origine. Mais il faut comprendre que, pour divine qu'elle ait été, la surprise de Louis Napoléon n'en fut pas moins totale... Tout le monde a été surpris par la révolution. Ses auteurs comme les autres... Plus encore que les autres.
    On sait comment elle est arrivée. On ne sait pas au juste pourquoi.
    A l'ingéniosité de tant d'exégètes qui ont démontré savamment, après, que cette révolution était inéluctable, on préfère la sincérité d'un Albert de Broglie, pour qui elle reste inexplicable. Résumant bien l'état de désarroi de l'époque, il avoue: « Je necomprends encore qu'imparfaitement, car l'événement me tomba sur la tête absolument comme la foudre, et l'imprévu, quoi qu'on fasse pour l'expliquer après coup, demeure toujours incompréhensible. »
    La campagne des banquets et la réforme électorale qui l'inspirait ont visiblement joué le rôle d'un détonateur, mais ne suffisent pas à tout expliquer. La machine s'est emballée. Les

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