Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
Vom Netzwerk:
»
    Mais, pour Marx, il y eut davantage encore : la candidature de Louis Napoléon « trouva un grand écho d'abord dans l'armée à qui les républicains du National n'avaient pu fournir ni gloire ni haute paie, puis dans la grande bourgeoisie qui voyait en Bonaparte le pont qui la conduirait à la monarchie, enfin chez les petits bourgeois et les prolétaires qui saluaient en lui le fléau de Cavaignac ».
    Que la majorité rassemblée fût hétérogène, cela sautait auxyeux. La Voix du Peuple, quotidien démocrate de Marseille, relevait dans son numéro des 18 et 19 décembre qu'elle se composait, « indépendamment des véritables bonapartistes qui sont peu nombreux, de deux éléments tellement distincts qu'ils en sont hostiles l'un à l'autre, à savoir: une grande partie de la classe ouvrière qui a voté pour le candidat impérialiste en haine de Cavaignac et la coalition de tous les intérêts réactionnaires qui auraient tout aussi bien voté pour le Grand Moghol si le Grand Moghol leur avait offert sécurité et protection ».
    Et, Guizot, dans ses Mémoires, décrivait ainsi l'alchimie subtile qui avait été à l'origine de la victoire de Louis Napoléon: « L'expérience a révélé la force du parti bonapartiste, ou pour dire plus vrai, du nom de Napoléon. C'est beaucoup d'être à la fois une gloire nationale, une garantie révolutionnaire et un principe d'autorité. Il y a là de quoi survivre à de grandes fautes et à de longs revers. »
    Or, précisément, Louis Napoléon, tout au long du processus, est resté irréprochable. Il fut de plus en plus clair aux yeux de chacun que cette victoire était la sienne, et seulement la sienne. Il ne devait rien à personne. Et il allait bientôt le signifier et le démontrer à tous.
    Il est vrai que les erreurs de ses adversaires l'ont servi : les massacres de juin, les bévues des équipes républicaines qui se sont succédé au pouvoir ont favorisé son succès, acquis, selon la formule de Tudesq, par « enthousiasme, vengeance, résignation ».
    Mais son mérite ne se réduit pas à s'être présenté. Il a su mener sa barque d'une main ferme, ne pas dévier d'un pouce de la stratégie qu'il s'était fixée, et pousser tous ses opposants à la faute.
    C'était une faute de mettre en cause son élection de juin et celle de septembre, et de prétendre que ceux qui avaient voté pour lui avaient été abusés. C'était une faute de faire de ces élections l'enjeu du débat constitutionnel. C'était une autre faute de méconnaître qu'en s'opposant à sa candidature on ne faisait que la fortifier.
    Tocqueville n'a pas eu raison de laisser sa rancoeur l'emporter sur sa lucidité coutumière, en écrivant que « si Louis Napoléon eût été un homme sage, ou un homme de génie, il ne fût jamais devenu Président de la République ».
    En fait, il eut le génie de comprendre le parti qu'il pouvaittirer de la situation. Il eut la sagesse de laisser les choses s'accomplir.
    ***
    Le 20 décembre, à l'Assemblée, les résultats sont proclamés. Immédiatement, Cavaignac dépose ses pouvoirs sur le bureau de l'Assemblée. Et l'on introduit le prince pour une brève cérémonie d'investiture. Il est 16 heures. Il fait sombre. L'atmosphère est comme irréelle. Victor Hugo a raconté cette scène plus qu'imprévisible, impensable, inimaginable quelques semaines plus tôt:
    « Le Président fit un signe et la porte de droite s'ouvrit. On vit alors entrer dans la salle et monter rapidement à la tribune un homme jeune encore, vêtu de noir, ayant sur l'habit, la plaque et le grand cordon de la Légion d'Honneur.
    « Toutes les têtes se tournèrent vers cet homme.
    « Un visage blême, dont les lampes à abat-jour faisaient saillir les angles osseux et amaigris, un nez gros et long, des moustaches, une mèche frisée sur un front étroit, l'oeil petit et sans clarté, l'attitude timide et inquiète, nulle ressemblance avec l'Empereur, c'était le citoyen Louis Napoléon Bonaparte. »
    Le citoyen prête serment. Il prononce une formule sacramentelle qui va peser sur sa vie et sa postérité. Et puis, brièvement, il débite les quelques mots adaptés à la circonstance.
    Il faut, dit-il, « fonder une République dans l'intérêt de tous et un Gouvernement juste, ferme, qui soit animé d'un sincère amour du progrès sans être réactionnaire ou utopiste ».
    « Soyons les hommes du pays et non les hommes d'un parti. »
    Dans la salle, tout le monde n'a peut-être

Weitere Kostenlose Bücher