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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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présentait l'inconvénient de conduire à une crise immédiate. Si la position du prince en aurait été moralement confortée, il n'est pas certain qu'elle aurait été politiquement mieux assurée. On y renonça donc. Et Louis Napoléon se résigna à entrer dans un monde quasi inconnu pour lui, acceptant d'en appliquer les règles et les rites...
    ***
    « Ce fut un malheur pour moi, expliquera-t-il, de n'avoir pu débuter par un ministère républicain et d'avoir été obligé de me confier aux hommes de la rue de Poitiers. »
    Car c'est bien la signification du choix, auquel il doit se résoudre, d'Odilon Barrot.
    A tout prendre, Louis Napoléon eût encore préféré Lamartine ou Thiers. Il offrit d'ailleurs très explicitement la présidence du Conseil à ce dernier, après l'avoir courtisé : le soir de l'élection c'est chez lui qu'il alla dîner et, le lendemain même, il lui rendit son invitation à laquelle le petit homme répondit avec ses dames — puisqu'il était en ménage avec la mère et la fille Dosne.
    Thiers crut néanmoins habile de refuser la proposition.Comme nous a expliqué Pierre Guiral, il existait entre le prince et Thiers un triple malentendu : « Thiers croyait que Louis Napoléon était un minus habens et celui-ci ne l'était pas; il pensait que son temps serait bref et il ne le sera pas; il espérait pouvoir le conseiller et le diriger et déjà des désaccords sans gravité mais non sans signification étaient apparus. »
    Lamartine ayant également décliné son offre, Louis Napoléon se rabattit donc sur Barrot.
    Odilon Barrot, tout un symbole! Les conservateurs, en l'imposant, vont au-delà de la provocation. Chef de l'opposition dynastique à Louis-Philippe, il avait été nommé par celui-ci, en pleine révolution de Février, pour tenter de sauver les meubles. Avec lui, un an plus tard, après tant d'événements, on revient pratiquement à la case de départ, et on ne saurait mieux souligner qu'on entend renouer avec une sorte de monarchie de Juillet revue et corrigée... C'est même proclamer que tout ce qui a pu se passer entre-temps est nul et non avenu, ou le sera bientôt. Comment penser un instant, par exemple, que le dernier vestige de cette année folle, le suffrage universel, pourra longtemps subsister? On ne voulait pas de ce suffrage, on n'en a jamais voulu, et ce ne sont certes pas les résultats du 10 décembre qui vont permettre, sur ce terrain, une réconciliation plus que jamais improbable.
    Ces hommes-là n'ont décidément rien appris ni rien oublié. Louis Napoléon se le dit sans doute. Tout en appréciant, peut-être, le parti à tirer, dans l'opinion, d'un tel entêtement... Pour l'heure, il doit, quand même, compter avec eux.
    Certes, il pourrait trouver des alliés chez les républicains. Après tout, cela avait été le cas naguère, et des causes analogues pourraient peut-être déboucher sur de mêmes effets. Mais le divorce paraît dès l'abord consommé. Entre eux et lui, les objectifs paraissent trop contradictoires: il y a, bien sûr, l'ambition impériale qui lui est prêtée ; mais aussi sa foi dans le suffrage universel et ses vues d'avant-garde dans le domaine social qui ne sont peut-être pas forcément des facteurs de rapprochement avec certains.
    En tout cas, le rendez-vous est manqué. Il en sera de même à chacune des occasions ultérieures qui se présenteront jusqu'au coup d'État. Louis Napoléon sera condamné à rechercher l'appui de ceux qui, n'approuvant guère ses idéaux, le contraindront tantôt à louvoyer, tantôt à modérer ses élans. Il devra en revanchese passer du soutien de ceux-là mêmes avec lesquels il se trouve en plus ou moins étroite communion de pensée.
    Là réside tout le paradoxe de la vie politique de Louis Napoléon. Paradoxe qui est aussi son drame. Paradoxe qui explique les sinuosités dans l'itinéraire de cet homme, que les uns tolèrent mais paralysent, et que les autres estiment parfois sans cesser de le combattre.
    Cette convergence impossible a de quoi surprendre et décevoir. Plus tard, et de la même façon, on aura aussi du mal à admettre que de Gaulle et Mendès n'aient pu s'entendre... Il est des rendez-vous manqués dont l'Histoire, après coup, vous montre combien ils répondaient à la fois à la logique la plus évidente et à la plus impérieuse nécessité.
    Étonnante période que celle qui s'ouvre : une « cohabitation » avant la lettre, entre un président et un gouvernement

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