Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
l’avenir de sa lignée soit ainsi assuré lui a donné un regain d’énergie.
Il a même eu l’impression, depuis ce début du mois de janvier 1687, que son corps était moins pesant, comme épuré, et, chaque matin, il a suivi les recommandations des médecins, laissant son premier valet de chambre Bontemps le frictionner entièrement à l’eau de toilette.
Cette fraîcheur qui entre dans son corps en chasse les impuretés.
Et chaque jour, il a senti monter en lui la joie de ses sujets de le savoir guéri, et cela l’a ragaillardi.
Il s’est rendu à Notre-Dame de Paris, pour remercier le Seigneur de sa guérison, et il a accepté de présider le dîner que les édiles de la ville lui offrent.
On lui récite le poème de Charles Perrault, Le Siècle de Louis le Grand , qui a été lu à l’Académie française :
La belle antiquité fut toujours vénérable
Mais je ne crus jamais qu’elle fût adorable.
Je vois les Anciens sans plier les genoux,
Ils sont grands, il est vrai, mais hommes comme nous ;
Et l’on peut comparer sans crainte d’être injuste
Le siècle de Louis au beau siècle d’Auguste.
Il veut, il doit remercier Dieu.
Il se redresse. Bontemps l’aide à s’habiller, puis ouvre les portes de la chambre pour le grand lever.
Louis s’avance. Il dit que ce matin, il monte à cheval.
Et il écoute les compliments et les louanges des courtisans qui se pressent autour de lui.
Il chevauche d’abord avec appréhension, sur ses gardes, craignant que tout à coup la douleur ne le déchire. Puis, peu à peu, il oublie cette inquiétude et galope, avec la sensation de renaître.
L’après-midi, il se promène longuement dans les jardins, parcourant à pas lents plusieurs fois le labyrinthe, se proposant d’écrire une « manière de visiter les jardins de Versailles » tant il éprouve de plaisir à s’y attarder, à se pencher sur les massifs de fleurs, à respirer leur parfum.
Il rentre enfin, rejoint Mme de Maintenon dans ses appartements. Elle l’accueille le buste serré dans une robe bleue, le visage que ne griffe aucune ride.
Il lui prend la main, il l’entraîne dans sa chambre.
Le désir est là, vif mais si vite épuisé.
Louis s’installe devant la cheminée.
Sur une table qu’il a fait placer à sa droite sont déposées les lettres subtilisées et copiées par les espions du cabinet noir, ainsi que les dépêches des ambassadeurs. Il commence à lire ces dernières.
Il s’indigne des pamphlets écrits et publiés dans les Provinces-Unies par des pasteurs huguenots exilés. Ces auteurs dénoncent les dragonnades, ce qu’ils appellent des « actes d’une cruauté inouïe ».
« Parmi ces mille hurlements et mille blasphèmes, écrit l’un d’eux, les dragons pendaient les gens, hommes et femmes, par les cheveux ou par les pieds aux plafonds des chambres ou aux crochets des cheminées. »
Louis convoque Louvois qui affirme qu’il ne s’agit là que de calomnies.
Louis l’interrompt. L’heure n’est pas aux excès à l’intérieur du royaume mais à la guerre contre les nations ennemies et souvent hérétiques.
Il veut se rendre, poursuit-il, sur la frontière, à Luxembourg, visiter la forteresse, car la guerre, même si elle n’a pas été déclarée, est déjà ouverte par ces pays qui accueillent, soutiennent, paient les huguenots français.
Il faut agir pour écarter cette menace, d’autant plus grande que sous la conduite de Charles V de Lorraine les princes germaniques ont fait reculer les Turcs, écarté ainsi la menace ottomane. Ils vont pouvoir reporter leurs forces contre le royaume de France.
Il écoute Louvois qui propose de ne pas attendre que l’alliance antifrançaise et la ligue d’Augsbourg s’élargissent, devenant dangereuses.
Il ne faut pas agir sans réflexion, sans précaution, dit Louis.
Il faut d’abord s’assurer que dans les vallées vaudoises les huguenots ne se sont pas à nouveau rassemblés.
Il faut partout montrer, avant même que la guerre n’éclate, que le roi de France ne cède rien, et à personne, ni même à ce pape Innocent XI qui prétend contrôler les ambassades situées dans ses États.
Qu’on envoie des troupes à Rome avec un nouvel ambassadeur, et qu’on rappelle au souverain pontife que le roi de France refuse que l’on touche aux franchises de son ambassade, même si tous les autres souverains se sont inclinés devant la volonté du pape.
Et celui-ci argue de ce fait
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