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L'ultime prophétie

L'ultime prophétie

Titel: L'ultime prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rachel Lee
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tout est perdu.
     
    Les troupes qui campaient au pied des montagnes étaient en
proie à un malaise manifeste. Malaise quant à l'avenir, malaise quant à cette
alliance étrange entre Bozandari et Anari. Les Loups des Neiges se tenaient à
l'écart des autres, non pas tant à cause de leurs propres doutes qu'à cause de
l'accueil glacial des autres légions. Néanmoins, au fur et à mesure que les
officiers commencèrent à comprendre et à accepter la nécessité de la situation,
l'atmosphère se modifia peu à peu.
    Ratha et Jenah furent surpris de recevoir une visite d'un
officier de la légion du Tigre Blanc. Il entra d'un pas décidé dans leur tente.
L'air froid transformait son souffle en petits nuages blancs. Il ne dit rien
pendant de longues minutes, observant les deux Anari assis autour de la table
de camp, occupés à examiner une carte. Ils levèrent les yeux vers lui, aux
aguets et méfiants.
    L'officier bozandari aux cheveux sombres parla enfin.
    —   Je suis le commandant Suzza, de la légion du Tigre
Blanc.
    Ratha se leva.
    —   Ratha Monabi, commandant des Loups des Neiges. Voici mon
second, Jenah Gewindi.
    Il inclina la tête en signe de respect et Suzza l'imita.
    —   On dirait que nous sommes à présent des alliés, dit ce
dernier après un instant d'hésitation.
    —   Oui-da, approuva Ratha. Une bien étrange alliance, fruit
de la nécessité.
    Suzza eut un petit sourire.
    —   J'ai froid, dit-il. Vous avez fait un feu. Si vous
n'avez rien contre, j'aimerais rester avec vous un moment. Il me semble que si
nous voulons combattre un ennemi commun, nous ferions bien d'apprendre à nous
connaître.
    Ratha hocha lentement la tête et lui indiqua une chaise près
du feu. Une colonne de fumée s'élevait des bûches vers l'ouverture du toit de
la tente. Les étoiles les plus brillantes étaient visibles par cette ouverture.
    Le commandant s'inclina de nouveau puis s'assit.
    —   Veux-tu un peu de vin chaud ? offrit Jenah. Nous étions
sur le point de nous servir.
    —   Très volontiers, dit Suzza avec un sourire plus amical.
    Les chopes furent aussitôt remplies et les trois hommes
s'installèrent autour du feu. Suzza leva son verre en silence et les deux
autres suivirent son exemple.
    —   C'est difficile, dit Suzza. Je suis certain que ça l'est
autant pour vous que pour mes soldats. Pendant si longtemps, vous étiez pour
nous des proies. Vous devez nous haïr. Et certains parmi mes hommes ont perdu
des être chers pendant la récente révolte des esclaves. Ils sont donc amers et
pleins de rancœur.
    —   C'est juste, dit Ratha. Tuzza a tué mon frère. Après que
mon frère a tué son cousin.
    Suzza hocha la tête et sirota son vin.
    —   Je ne puis prétendre que je n'ai pas de sang sur les
mains. Mais contrairement à mes hommes, j'ai entendu de la bouche de l'empereur
la raison pour laquelle nous nous allions. Et pourquoi, en définitive, il nous
faut apprendre à cohabiter.
    Ratha fronça les sourcils, interrogateur.
    Suzza tendit sa chope afin d'être resservi et remercia
Jenah.
    —   Durant mes études, avant que je ne m'engage dans l'armée
— ce qui était mon devoir en tant que fils cadet d'une famille noble et en tant
que cousin de l'empereur — j'ai appris la philosophie. Je crois que vous
connaissez mon maître, Erkiah.
    —   En effet ! dit Ratha. Il nous accompagne.
    —   Je le sais. Avec le Fils Orphelin et la Dame Filandière, n'est-ce pas ?
    —   Oui-da.
    —   Erkiah m'a enseigné de nombreuses choses, qu'on m'a
ensuite appris à mépriser à l'armée. Bâtir un empire rend les hommes durs,
Ratha Monabi. Cela leur durcit le cœur, l'esprit et peut-être même l'âme.
    Il secoua vivement la tête.
    —   Pas peut-être, sûrement. Leur âme s'endurcit. Depuis
l'âge de seize ans, je porte une épée. Je ne peux plus me souvenir des visages
de tous ceux que j'ai tués, bien qu'ils se rappellent parfois à moi dans mes
cauchemars. C'était mon devoir. J'ai reçu bien des honneurs militaires.
    Ratha opina, impavide.
    Suzza soupira.
    —   Je ne peux pas dire pourtant qu'accomplir mon devoir m'a
empli de fierté. C'est sans doute à cause d'Erkiah. Il a essayé de me montrer
une voie différente. Et je n'ai jamais oublié certains de ses enseignements...
Je n'ai pas été élevé pour la guerre. Sans moi et ceux de mon espèce, vous
auriez continué à vivre paisiblement dans vos villages en créant la beauté à
partir de la pierre —

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