L'ultime prophétie
passé de nombreuses heures à jouer dans les montagnes près
de leur clan et à apprendre les habitudes des pierres, acquérant ainsi les
talents de leurs ancêtres.
Ils avaient appris qu'il leur fallait trouver une pierre
prête à être taillée et à s'associer à d'autres. Certaines étaient difficiles à
manier, leurs chants étaient sombres et leurs couleurs changeantes. Les enfants
qu'ils étaient alors avaient appris à rechercher celles qui voudraient faire
partie de la cabane de jeux qu'ils souhaitaient bâtir.
— C'est une chose que les Bozandari n'ont jamais comprise à
notre sujet, dit-elle.
— Laquelle ?
— Le fait que les pierres nous parlent et que nous ne
faisons d'elles que ce qu'elles veulent. Ils ont insisté pour que nous les
forcions et c'est pour cette raison que leurs bâtiments n'ont jamais été aussi
réussis que ceux que nous édifions pour nous-mêmes. Ils n'ont pas su utiliser
nos talents à de nombreux égards.
— En effet. Nous devons à présent réparer les injustices
passées.
— Tout à fait d'accord. Mais je parle de notre enfance,
lorsque nous apprenions la leçon la plus importante que nous prodiguaient les
montagnes…
— La taille des pierres ?
— Le respect et la coopération. Sans cela, la pierre nous
résistait.
— Tu dis vrai, dit-il en souriant faiblement. Je me
souviens combien nous nous sommes amusés. Je ne pensais pas être en train d'apprendre
quoi que ce soit.
— Moi non plus, à l'époque. Et pourtant, nous aurons
besoin de ces leçons dans les jours à venir.
— Oui. J'espère que les Bozandari qui nous accompagnent
les auront apprises.
— Je crois que oui, au moins parmi les troupes. Nous
devons insister sur l'importance de ces valeurs.
— Ce ne sera pas facile. Ils sont habitués à nous
considérer comme à peine plus que des animaux.
Cilla fit la grimace.
— Ils traitent leurs animaux mieux que leurs esclaves,
ai-je entendu dire.
Ratha éclata de rire — pour la première fois depuis la mort
de Giri.
— Tu as encore une fois raison.
— Tu es un homme formidable, Ratha Monabi.
Il détourna le regard, gêné. Cilla ne voulait pas de cette
modestie. Elle posa la main sur sa joue et tourna son visage vers elle.
— Nous n'avons que peu de temps. Très peu de temps.
Allons-nous renoncer à l'occasion qui se présente à nous ?
— De quelle occasion parles-tu ?
Elle se pencha et l'embrassa doucement.
— J'ai le sentiment de te désirer depuis toujours, cousin.
N'as-tu jamais ressenti cela, même un peu ? Il nous reste si peu de temps que
je refuse de le perdre en jeux idiots. Fais-moi l'amour, Ratha Monabi. Fais-moi
l'amour maintenant.
Le sang bouillonnait dans les veines de Ratha et il n'hésita
pas une seconde. Il l'attira contre lui.
Ceci, songea-t-il, était tout ce qui comptait dans la vie.
S'ils ne devaient avoir qu'une seule nuit d'amour, elle justifierait tout le
reste. Cette nuit, il célébrerait la vie plutôt que de donner la mort. Cette nuit,
il oserait s'abandonner à l'amour d'une femme qui l'avait attendu patiemment,
en dépit de son chagrin, de sa douleur et de ses doutes.
Demain, peut-être, il faudrait se battre et son sang serait
répandu. Pour l'heure, il était en vie. Et il était si bon d'être vivant.
21.
Au cours des jours qui suivirent, Tom vit les esclaves anari
en fuite rejoindre les deux armées. L'efficacité administrative des officiers
de Tuzza et d'Alezzi se révéla amplement en ces circonstances. Les blessés et
les malades étaient diligemment envoyés à Tess et à ses sœurs afin d'être
soignés. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas se battre étaient rassemblés
en colonnes et on leur attribua des guides afin de les conduire vers Anahar.
Quant à ceux qui étaient capables et désireux de combattre, ils étaient
intégrés à des unités anari et recevaient un entraînement militaire pendant la
marche.
Au matin du cinquième jour, ils arrivèrent au sommet d'une
colline boisée qui surplombait la mer scintillante d'Enalon. Tom voyait la magnifique
ville de Bozandar pour la première fois.
De leur promontoire, la vue était à couper le souffle. Les
esclaves en fuite avaient dépeint trop clairement ce qui les attendait dans les
rues de Bozandar mais à cette distance, ces horreurs demeuraient invisibles.
N'apparaissaient que des murs de grès étincelant, tous bâtis par les mains des
Anari.
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