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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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d'Hom-me-Qui-Tue.
    Shuganan aurait souhaité pouvoir dormir. La nuit étendait son obscurité à travers le trou du toit et la fatigue qui s'était abattue sur ses épaules se répercutait jusqu'à ses doigts de pied.
    Comment utiliser la force de son esprit contre Homme-Qui-Tue malgré sa fatigue ? Il s'obligea à surveiller Chagak et s'émerveilla qu'elle pût continuer à tisser, ses doigts agiles aidant l'aiguille si rapidement.
    C'est une jolie fille, pensa-t-il en se rappelant sa joie lorsqu'il l'avait vue pour la première fois. Ses longs yeux, aux cils épais, sa petite bouche parfaite. Elle avait été un véritable cadeau pour lui, comme si Tugix, voyant son désir de beauté, lui avait envoyé cette jeune fille pour l'inspirer dans son art, mais maintenant cette beauté était une malédiction et il aurait souhaité qu'elle fût trop grande avec des dents cassées et une vilaine bouche.
    — Ainsi tu n'as pas de femme ? avait demandé Homme-Qui-Tue en ramenant Chagak dans l'ulaq, et tu dors seul la nuit?
    — Elle n'est pas mon épouse, avait répondu Shuganan. Elle est ma petite-fille.
    — Alors pourquoi ne parle-t-elle pas ta langue ?
    — Sa mère venait d'une autre tribu. Du village que tu as détruit.
    Homme-Qui-Tue avait ri. Le rire sortait de sa bouche en petits cris saccadés, éclatant comme ceux des oiseaux sortant de leur nid sur la falaise.
    Maintenant, tandis que Shuganan était assis et regardait Chagak, il repensa à sa question. Il pouvait y avoir beaucoup de raisons pour expliquer qu'il connût la langue d'Homme-Qui-Tue, mais quelque chose en Chagak lui ferait pressentir la vérité. Quelle serait sa réaction si elle l'apprenait ?
    Il aurait mieux valu qu'elle ait trouvé une autre plage et quelqu'un avec qui elle aurait pu vivre. Il ne pourrait jamais être un mari pour elle. Il était trop vieux pour chasser convenablement. Trop vieux pour lui donner des fils. Du reste, il n'avait jamais été capable de donner des fils ou des filles à sa propre femme, au cours de toutes ces années où ils avaient vécu ensemble. Il le savait et cependant il ne s'était pas hâté de conduire Chagak chez les Chasseurs de Baleines. Y avait-il eu un vague espoir au fond de lui que Chagak pourrait devenir sa femme ?
    Lorsqu'elle avait décrit les hommes qui avaient détruit son village, Shuganan avait compris qu'il s'agissait des Petits Hommes. Il savait qu'ils pourraient venir sur cette plage. Il aurait dû conduire Chagak chez les Chasseurs de Baleines sans attendre. Il avait perdu du temps après la mort de Pup. Pourquoi avait-il différé ce moment aussi longtemps?
    Shuganan saisit son couteau à graver et un morceau d'os en regardant Homme-Qui-Tue, mais celui-ci ne vit évidemment aucune menace dans son geste.
    Shuganan avait utilisé ce couteau si souvent que le manche semblait avoir pris la forme de ses doigts, jusqu'aux bosses et aux creux laissés par cette maladie qui le faisait tant souffrir.
    Il avait cessé de prier pour obtenir la guérison quand il s'était rendu compte que les sculptures qui naissaient sous ses doigts lorsqu'il souffrait avaient une qualité que n'atteignaient pas celles qu'il exécutait sans souffr ance, comme si la douleur était elle-même un couteau, écartant tout ce qui était inutile, révélant seulement plus clairement l'esprit des hommes et des animaux cachés dans l'ivoire et l'os.
    En ce moment la douleur était plus violente qu'elle ne l'avait jamais été. La souffrance partait de ses doigts et remontait jusqu'à ses bras pour rejoindre celle qui pesait sur son cœur.
    Il était injuste que Chagak eût à pâtir de 1 egoïsme d'un vieil homme, elle qui avait déjà tant souffert.
    12
    Les yeux de Chagak brûlaient et ses épaules lui faisaient mal, mais ses doigts continuaient à tisser. Mieux valait travailler que d'être obligée de recevoir Homme-Qui-Tue sur sa couche, pensait-elle.
    La lampe à huile posée près d'elle se mit à fumer. Chagak souffla la flamme, sortit son couteau de l'étui attaché à sa taille et se mit à nettoyer les bords calcinés de la mèche.
    Homme-Qui-Tue dit quelque chose à Shuganan qui traduisit :
    — Laisse cela. Il veut dormir.
    Chagak regarda le vieil homme avec des yeux remplis de frayeur, mais Shuganan se détourna. Il s'adressa à Homme-Qui-Tue et le conduisit à l'endroit où il pourrait dormir, lui faisant ainsi l'honneur de lui offrir sa propre couche, isolée du reste de l'ulaq par un rideau que Chagak

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