Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
Vom Netzwerk:
certaines, comme sa mère, refusaient de dormir avec un étranger et n'avaient pas à le faire. Il n'y avait que trop de femmes prêtes à honorer un visiteur d'un autre village. Chagak elle-même n'avait jamais partagé sa couche avec un homme. Son père l'avait gar-dée pure afin d'obtenir le prix le plus élevé offert par un homme désirant avoir une vierge. Cette question n'avait jamais inquiété Chagak, bien que, parfois, il lui arrivât de se sentir à l'écart quand les autres filles pouffaient de rire et parlaient de nuits passées avec des chasseurs en visite.
    Mais dès que Traqueur de Phoques l'eut demandé à son père, Chagak ne voulut plus connaître que lui et elle fut heureuse que son père ne l'ait pas offerte à l'amusement des autres. Maintenant, en sentant les yeux d'Homme-Qui-Tue fixés sur sa personne, elle n'éprouvait qu'une violente répulsion et une angoisse grandissante comme si un geste de lui pouvait ajouter une douleur plus grande encore à la mort de Traqueur de Phoques.
    Lorsqu'ils étaient revenus dans l'ulaq, Chagak n'avait pas retiré son suk. Bien que le vêtement n'offrît qu'une fragile barrière, il lui semblait être une protection aux regards explorateurs de l'homme.
    Homme-Qui-Tue retira son parka, mais après un regard vers Chagak, Shuganan n'enleva pas le sien.
    Un moment plus tard, Homme-Qui-Tue choisit une sculpture sur une étagère et la suspendit à une cordelette où était fixée une amulette autour de son cou. La sculpture représentait un homme dans un ikyak tirant deux phoques et, en prenant cette figurine, il ruina la scène de village de Shuganan. Car une étagère était consacrée à de petites figurines représentant toutes les différentes parties d'un village : des hommes et des femmes péchant, des enfants qui jouaient, des vieillards ramassant des oursins, des petits garçons gravissant les falaises pour dénicher les œufs, des femmes faisant la cuisine, tissant, travaillant.
    Il en existait une que Chagak désirait particulièrement toucher, tenir dans ses mains : celle d'une femme berçant son enfant. Il y avait quelque chose dans la façon dont la mère tenait la tête du nourrisson, en le regardant, qui lui rappelait sa propre mère. Et bien que ce désir fût assez profond pour lui faire mal, elle n'avait jamais demandé à Shuganan de la lui laisser toucher. Comment aurait-elle osé porter la main sur des objets aussi sacrés?
    Aussi était-elle d'autant plus furieuse de voir Homme-Qui-Tue prendre ce chasseur, mais il semblait ne rien respecter. Même quand Shuganan parlait, il lui coupait la parole et s'exprimait avec une insolence qui faisait frissonner Chagak.
    Elle se pencha vers son panier pour prendre une poignée d'herbe et Homme-Qui-Tue lui dit quelque chose. Elle lui jeta un coup d'œil en répliquant :
    — Je ne comprends pas. Je ne parle pas ta langue.
    Shuganan se leva et vint s'asseoir à côté d'elle, le dos tourné au tissage, son visage placé en face de l'homme.
    — Qu'a-t-il dit ? murmura Chagak sans tourner la tête, ses doigts continuant à tisser.
    — Il pense que tu es ma femme.
    — Laisse-le croire cela, alors, et j'irai dormir avec toi.
    — Non, dit Shuganan.
    Chagak se retourna pour le regarder en essayant de comprendre le sens de sa réponse.
    — Si je lui dis que tu es ma femme, il te prendra dans son lit, comme le veut l'hospitalité. C'est la coutume chez son peuple. Il n'aura même pas à le demander.
    — Qui lui as-tu dit que j'étais ? dit Chagak en retournant à son tissage.
    — Ma petite-fille.
    Il y avait une telle fermeté dans le ton que Chagak se sentit momentanément réconfortée. Il était bon d'appartenir de nouveau à quelqu'un.
    — Et il ne peut me prendre si je suis ta petite-fille?
    — Pas sans offrir des cadeaux, répondit Shuganan, cela nous laisse du temps.
    Elle acquiesça avant de demander :
    — Comment as-tu appris sa langue?
    Shuganan pencha la tête vers elle et, dans la
    demi-obscurité de l'ulaq, elle lut la peine dans ses yeux. Mais avant qu'il ait pu répondre, Homme-Qui-Tue parla d'une voix basse et furieuse. Chagak courba les épaules et se réfugia dans son suk, comme si les plis du vêtement pouvaient la protéger.
    — Que dit-il? murmura-t-elle à voix si basse que Shuganan put à peine l'entendre.
    — Il ne veut pas que nous parlions, dit Shuganan en se rapprochant de la lampe à huile où sa présence dissimulait la jeune fille à la vue

Weitere Kostenlose Bücher